Bertrand LAHUTTE
La référence aux états limites semble de plus en plus fréquente dans le recours que les praticiens font au diagnostic. C’est un point parfois rapporté par les patients eux-mêmes dans leurs rencontres médicales : les patients limites semblent « trop normaux » pour être gratifiés d’une autre qualification. Il s’agit d’un constat, que nous souhaitons interroger à la lumière des oscillations de la catégorisation nosographique. Quelle est la nécessité d’existence de concept ? Quelle est la nature de la référence intrinsèque à cette « normalité » ?
Un concept émergent ?
L’apparition au sein de celle-ci de l’état limite ou du borderline est résolument moderne. Soulignons d’emblée l’indistinction voire la confusion dans l’emploi des deux termes. Notre propos n’est pas d’en fournir une quelconque délimitation, mais davantage de préciser la raison d’une telle prégnance ou rémanence. Car, si le consensus ne semble reposer que sur la notoriété ou l’insistance des auteurs qui soutiennent leurs productions théoriques, le fait est que, d’un point de vue grossièrement phénoménologique, les praticiens rencontrent ces patients « limites ». Vides, en proie aux affres d’une angoisse ravageante les confrontant à l’impérieuse recherche d’un étayage, ces patients oscillent dans leurs aménagements entre destructivité, rencontre du partenaire impossible, abîme des substances ou de la dissociation.
Comment interroger l’aspect brûlant d’un tel concept dans notre actualité? Intéressons-nous tout d’abord à ce qui en procède chez les auteurs. En effet, si les études les plus abouties sur le sujet sont observables dans la seconde moitié du vingtième siècle, force est de constater la quête d’une légitimité du concept parmi les « classiques » des aliénistes et de la psychiatrie, allant jusqu’à situer le premier emploi du terme « borderline » dès 1884. Une étude plus précise de ces références ne permet que de rapporter cette distinction, attribuée à Hugues, par la notion « d’état frontière entre folie et normalité » (1) .
La suite des travaux historiques rapportés comme en lien avec l’état limite pourrait presque paraître artificielle. Y sont rattachées en effet les études de Kahlbaum à Kraepelin, de Falret à Claude… Les déterminants communs de ces références pourraient être résumés à ces quelques mots : quelque chose ne « colle » pas au modèle. C’est l’apanage de la forme clinique tronquée, de la variante, de l’atypicité ou de la forme « pseudo » – ressemblante à une autre…
Il est délicat d’être critique vis-à-vis de cette approche propre à l’évolution des idées en psychiatrie et à l’édification de son savoir. Toutefois, quelque chose semble échapper autour du phénomène limite, ce qui nous invite à interroger la survivance de cette entité, même si la critique peut être sévère quant à son imprécision voire sa connotation de diagnostic « fourre-tout ».
Le fait qu’il soit relégué au rang des « troubles de la personnalité » en donne l’indication : il s’agit d’un état morbide, majeur par ses conséquences potentielles (ou même sa « comorbidité »), se référant à un « style » de fonctionnement des patients. Et quand bien même son évolution supposée intrinsèque peut mener, sous l’effet de débordements anxieux, à des manifestations cliniques aussi conséquentes que des états délirants aigus ou transitoires, l’état limite ne se voit pas accéder à la « dignité » d’un état psychotique.
Par un curieux retour, l’émergence de l’entité ou plutôt son extraction des états psychotiques au prétexte de la normalité, du caractère « pseudo » de l’état clinique, tend à nouveau à résorber l’état limite dans les états psychotiques, avec les « associations » qu’elles soient comorbides ou non (trouble bipolaire, trouble schizotypique, personnalité narcissique, état dépressif majeur, etc…).
Retour aux sources
Nous souhaitons laisser en suspens ces remarques nosographiques, quelque peu faussées par l’antagonisme de la critériologie des manuels avec l’approche clinique, pour retourner sur l’origine du terme.
Charles Hamilton Hugues (2) est donc reconnu pour concepteur du terme « borderline » dans une référence historique fréquemment citée (3). Le texte original n’y fait pourtant pas exactement référence. Il s’agit plus précisément de « borderland », soit frontalier, limitrophe, ou d’une façon plus figurée en marge. L’usage du terme doit donc dater d’une autre époque. Le contenu du texte (4) est plus éclairant. « Cas cliniques frontières – Les symptômes prodromiques de la déficience psychique » pourrait être la traduction approximative du titre de l’articule publié en 1884 dans la revue – dont il était par ailleurs le fondateur et l’éditeur (5). Dans cet article, il présente trois cas cliniques, parmi lesquels une « folie du doute » et une phobie « du toucher » ou « de la contamination », pour insister sur la description de leur incomplétude et de leur particularisme. Pour le citer « [ces cas] seraient catégorisés par nos confrères italiens et français, peut-être comme appartenant à la folie du doute et du toucher, mais ils semblent être caractérisés pas tant par un doute morbide, que par une conviction morbide ». (6) Il s’agit donc, selon lui, d’une folie partielle, le symptôme relevé ne s’éloignant que peu du « raisonnable », selon les critères de l’auteur, et ne signant donc pas l’entrée de plain-pied dans une « folie totale », vouée à l’ « incurabilité ». Le patient frontière ou limite est donc non-fou. C’est une première catégorisation.
Pour lire un peu plus avant le texte, nous pouvons relever que l’auteur attribue la paternité de ses cas « borderland » à un aliéniste plus connu de notre patrimoine psychiatrique : Benjamin Ball (7). « Nous utilisons le terme « frontière », par déférence envers monsieur Ball, qui nous a diverti, il n’y a pas longtemps, par une charmante lecture sur le sujet… ». (8)
Cette surprenante note étonne, certes par l’appropriation supposée anglo-saxonne du concept, mais surtout par le personnage de Ball, figure éminente d’une période très éloignée de ces tergiversations. L’acte de naissance des états-limites serait-il donc à situer en plein cœur de l’aliénisme français ? Nous nous trouverions alors plongés dans cette période antérieure à la découverte de la psychanalyse, au plus fort même des débats animant la Société médico-psychologique sur la distinction des psychoses chroniques… Il est probable que le texte auquel il est fait référence soit la leçon d’ouverture du cours de clinique des maladies mentales à l’asile Sainte-Anne, du 19 novembre 1882, publié tardivement en 1889 dans le recueil sur la Morphinomanie (9). Il s’agit en effet d’une leçon consacrée aux « formes frontières de la folie ».
Une vaste frontière
« Dans le cours des trois années qui viennent de s’écouler, nous avons parcouru dans tous les sens le domaine de l’aliénation mentale, et il est peu de points que nous ayons laissés inexplorés.
Et cependant, il est une vaste province, qui nous est restée à peu près inconnue, et dont nous avons à peine entrevue de loin les contours ; je veux parler de la zone frontière qui s’étend entre la raison et la folie.
Pour le public, ou plus exactement pour les profanes qui n’ont jamais franchi le seuil du temple, je veux dire le seuil d’un asile d’aliénés, il semble qu’une ligne mathématique sépare les deux états ; vérité en deçà, erreur au delà ; d’un côté la folie, de l’autre le bon sens ; en d’autres termes, on est fou ou on ne l’est pas ; ces idées parfaitement simples, mais absolument fausses, sont faites pour plaire aux esprits qui ne voient qu’un seul côté des choses. Aussi, comprend-on sans peine la faveur dont elles jouissent, et l’empire qu’elles exercent. C’est en s’inspirant de ces notions vulgaires, qu’un illustre orateur disait qu’autrefois il suffisait d’une conversation d’un quart d’heure avec un homme, pour savoir s’il était aliéné ou sain d’esprit ».(10)
Il évoque plus loin « cette région située à la frontière de la raison et de la folie, que l’on croit habituellement déserte, et qui renferme non pas six cent milles, mais plusieurs millions d’habitants. C’est au sein de cette intéressante population que je voudrais vous conduire… ». (11) Aussi intéressante que puisse paraître, cette posture de Ball, méfions-nous de toute interprétation du contexte, pour éviter l’anachronisme. Le propos de Ball porte effectivement sur ces « inclassables », mais il tente tout de même, comme le veut l’approche de l’époque de leur faire correspondre une catégorie :
« Je me propose de vous démontrer que parmi les concitoyens que nous rencontrons tous les jours, et que nous coudoyons à chaque instant sur la place publique, il en est un bon nombre qui, jugés d’après les règles ordinaires du diagnostic, pourraient très justement passer pour fous ; et cependant, à aucune époque de leur vie, il n’eût été légitime de les enfermer.
Pour procéder par ordre, et introduire quelque clarté dans le sujet, il faut établir dans ce vaste territoire quelques départements, et signaler quelques-unes des catégories sans lesquelles on peut ranger ces intelligences souvent brillantes et même privilégiées, mais qui par certains côtés se trouvent pour ainsi dire hors cadre ». (12)
Ball ne présente certes pas la férocité d’un Kraepelin, en regard de son épinglage diagnostic, pas plus qu’une velléité de prévention face à l’incurabilité ou un présupposé de dangerosité. Il nous expose ici sa nuance vis-à-vis des « faussement fous » ou réputés comme tels. Sa méthode est encore très proche du catalogue, ce qui est logique avec une clinique fondée sur l’observation. Nous assistons donc dans la suite de son texte au défilé des aliénés raisonnables, impulsifs, mystiques, obsédés, douteurs, vertigineux et autres hypochondriaques.
La conclusion de la démonstration de Ball, exposée de manière attrayante et illustrée de vignettes cliniques, à la manière d’un essai, nous expose principalement l’un des bords de cette frontière (13). Il s’agit de l’ouverture vers le gouffre, soit de cerner les particularités cliniques de ceux « qui n’ont pas sombré ».
« Messieurs, je crois vous avoir suffisamment démontré la proposition formulée au début de cette conférence. Nous sommes entourés de gens, qui occupent une position plus ou moins élevée dans la société, qui vaquent à leurs occupations, qui remplissent en apparence tous leurs devoirs, et dont l’intelligence présente cependant des points faibles, des conceptions vraiment délirantes, ou des impulsions insensées, car on ne saurait les ranger catégoriquement au nombre des fous.
Il est inquiétant sans doute de penser que le mécanicien qui conduit le train où nous sommes embarqués a peut-être des hallucinations ; que l’avocat que nous allons consulter est peut-être atteint de la folie du doute, et que le notaire qui rédige nos contrats a peut-être passé un pacte de société avec le Créateur des Mondes. Mais il faut en prendre son parti. […]
Lisez l’histoire, et vous verrez que ce sont eux surtout qui ont révolutionné le monde, qui ont fondé des religions nouvelles, créé et renversé des empires, sauvé des nations, à moins de les perdre, et laissé leur empreinte sur la science, la littérature et les mœurs de leur pays et de leur temps. La civilisation serait souvent restée en arrière, s’il n’y avait pas eu des fous pour la pousser en avant. Sachons donc rendre hommage à la folie, et reconnaissons en elle l’un des principaux agents du progrès dans les sociétés civilisées, et l’une des plus grandes forces qui gouvernent l’humanité ». (14)
Nous percevons, en isolant les présupposés de l’auteur (la compréhensibilité, l’adéquation relationnelle ou l’acceptabilité sociale), l’approche résolument positiviste de ce regard sur le trouble psychique.
Vrai et positivisme
En citant Benjamin Ball, notre propos n’est certainement pas de faire consister ce que serait un « lignage » historico-national dans le thème de cette journée d’étude, pas plus qu’un effet de « mythification » – phénomène dont l’histoire de la psychiatrie est déjà richement pourvue – mais davantage de souligner l’étonnante résonance de cette perspective antique, avec la conception actuelle des troubles limites.
En effet, qu’ils soient structure intermédiaire, aménagements, organisations de la personnalité ou autre, l’envers de ces regroupements cliniques gravite autour de ce bord ou de cette frontière : la normalité. Résolument, nous pouvons proposer que le postulat faisant consister l’entité état limite est celui d’une « normalité », le distinguant de l’ « anormalité » de la psychose. Le binaire de cette distinction repose sur des critères peu distincts de ceux du siècle précédent. Ainsi, nous pouvons lire que certains auteurs « se sont attachés à séparer les patients ayant présenté une symptomatologie psychotique transitoire et conservant une épreuve de réalité (qu’ils ont appelée borderline) des vrais psychotiques. » (15) L’appel au Vrai est éloquent et témoigne probablement de la confusion qui accompagne la référence.
Nous rejoignons ici notre proposition préalable : la construction et la persistance de l’entité état limite procède d’une non reconnaissance de la psychose, que ce soit dans sa clinique ou dans son statut.
Le « vraiment » psychotique serait donc à opposer à ces patients « pas vraiment » fous, mais « suffisamment déviants » pour nécessiter une catégorisation médicopsychiatrique. La conséquence de ce rapprochement s’impose d’elle-même : le préjugé d’anormalité existe et fait donc consister la zone frontière. D’un côté le « normal » du moins dans et par son acception sociale ; de l’autre « l’anormal » et son contingent d’exclusion ou de ségrégation. La figure et la clinique d’un « homme normal » prévalent dès lors. Compréhensibles, intelligibles ou à défaut explicables (et soulignons à cet égard la grande souplesse des explications théorico-psychologisantes), les symptômes de la série borderline se distingueraient-ils par un caractère de normalité ou un défaut d’anormalité ?
Approfondir ce point nous amènerait à évoquer les figures classiques de l’ « hyperadaptation paradoxale », du « normopathe » ou de ces êtres caractérisés par l’atténuation ou la disparition de toute subjectivité. Par ces tableaux cliniques illustratifs par le « défaut » dans leur excès, en l’occurrence de conformisme ou d’ajustement, nous saisissons une autre particularité extensive attenant à la notion de Normalité : elle peut-être sujette à variations ou variantes, sans pour autant laisser place à un envers ou une alternative. Entendons par là un principe de non-négation (l’exclusion du vrai par le faux), qui ne semble pour autant pas incompatible avec l’opposition catégorielle normal / anormal. La pertinence de cette affirmation serait à préciser plus en détail. Citons-en une illustration, précieuse dans la clinique : il s’agit de la « valeur négative » d’un fait ou d’un signe clinique. Elle importe tout particulièrement dans une perspective différentielle. L’effet d’accumulation (de regroupement d’aménagements pervers, psychopathiques, dépressifs ou pseudo-névrotiques) qui a pu accompagner un temps les « organisations limites », rend compte de cette incompatibilité conceptuelle inhérente au concept. L’impossibilité d’affirmer « ce qui n’est pas », soit le signe négatif, impose de faire consister davantage « ce qui est », soit le Normal, le postulat, le présupposé… Les illustrations cliniques en sont nombreuses : ne pas repérer le délire, le phénomène élémentaire, les témoignages de la forclusion ou du dénouage, viennent faire davantage consister plaintes et productions mono-symptomatiques.
Implicitement, il s’agit d’une référence à la Norme car la notion même de normalité ne peut désigner un contenu objectif unilatéralement positif, offert directement comme objet à une rationalisation scientifique. Mettons ceci en regard des efforts de mesure et de quantification de la clinique moderne.
Les travaux de Georges Canguilhem nuancent dès ses premières recherches l’identité communément supposée des phénomènes normaux et pathologiques, quand bien même « aux variations quantitatives près ». Canguilhem dénonce l’erreur d’Auguste Comte et de son positivisme : confondre qualité et quantité ; rabattre la norme sur la moyenne. Tout comme Canguilhem reproche aux positivistes de ne concevoir la médecine que comme une application de la physiologie et ainsi subordonner la clinique à la biologie, peut-être devrions-nous interroger ce qui donne une telle prééminence à l’entité état-limite. S’agit-il des implications d’une théorie limitée ou davantage des limites du repérage du clinicien ? L’effet de brouillage est patent.
A défaillir devant le repérage diagnostic, l’état limite deviendrait-il paradoxalement la figure de l’homme normal qui fait défaut aux classifications ?
De la Norme à l’erreur
Canguilhem nous donne pourtant certains outils d’orientation, en pointant deux impasses : celle du positivisme (« savoir pour prévoir, prévoir pour agir ») et plus subtilement celle de la psychologie (« mélangeant à une philosophie sans rigueur, une éthique sans exigence et une médecine sans contrôle »). Cette amabilité, est vraisemblablement héritée de son maître, le philosophe Alain sous la plume duquel nous lisons : « Imaginez un psychologue, si vous pouvez. C’est un historien de l’âme, pour qui penser n’est rien de plus que savoir ce qu’on pense […]. Quand il faut agir, il décrit ; quand il faudrait vouloir, il cherche à prévoir ».
Ce dernier chiasme nous présente la paralysie de la pensée rationnalisante et les impasses de la compréhension. Lacan en donne très précocement la mesure, dès sa thèse : « […] les conflits déterminants, les symptômes intentionnels et les réactions pulsionnelles d’une psychose discordent d’avec les relations de compréhension, qui définissent le développement, les structures conceptuelles et les tensions sociales de la personnalité normale, selon une mesure que détermine l’histoire des affections du sujet. » (16) Les discordances, référence ici aux « valeurs négatives » de certains faits ou événements, ne prennent donc leur valeur que dans la singularité d’une trajectoire. Le hiatus, la clocherie, l’incongruence, sont à corréler à la place centrale que Canguilhem livre dans son élaboration à l’erreur. Selon lui, il existe un rapport d’une grande subjectivité à la Norme, qui l’amène à porter un regard critique sur une démarche qui se voudrait scientifique et objectivante : « Les normes fonctionnelles du vivant […] ne prennent sens qu’à l’intérieur des normes opératoires du savant. » La discontinuité s’impose donc pour rompre une perspective unitaire aveuglante : « L’introduction en pathologie du concept d’erreur est d’une grande importance, tant par la mutation qu’il manifeste plus qu’il ne l’apporte dans l’attitude de l’homme à l’égard de la maladie, que par le nouveau statut qu’il suppose établi dans le rapport de la connaissance et de son objet. » (17)
Sans ce recours à l’erreur, au discord, le normal existe, sous les espèces de la norme. Cette normalité sans particularité est peut-être ce que Lacan qualifie de « partialisation théorique » dans Le Séminaire Le Transfert : « Faire entrer sans plus une notion normale de quoi que ce soit dans notre praxis, alors que nous y découvrons justement à quel point le sujet dit, prétendu, normal ne l’est pas – cela est de nature à nous inspirer la suspicion la plus radicale et la plus assurée quant à ses résultats. Il faudrait tout de même se poser d’abord la question de savoir si nous pouvons employer la notion de normal pour quoi que ce soit qui soit à l’horizon de notre pratique. » (18).
Conclusion
En guise de conclusion et au terme de ce parcours critique d’une notion s’y prêtant aisément, rappelons deux dernières citations, qui peuvent servir tant de mises en garde, que de limites à cette entreprise :
« Il n’est pas aisé d’abandonner le dogmatisme même en dénonçant le dogmatisme d’autrui. »
« Une action aussi docile aux conclusions d’une prévoyance bien informée tient davantage de la résignation à l’ordre du monde que de la remise en question de cet ordre. »
(1) Cité dans Debray Q., Nollet D. Les personnalités pathologiques : approche cognitive et thérapeutique. Paris : Masson, 2008. P. 81.
(2) Charles-Hamilton Hugues (1839-1916)
(3) Darcourt G., Chaine F., Guelfi J.-D. “La personnalité borderline”. In : Feline A., Guelfi J.-D., Hardy P. Les troubles de la personnalité. Paris : Flammarion, 2002. P. 187.
(4) Hugues C.H., “Borderland psychiatric records – Prodromal symptoms of psychical impairment”, Alienist and Neurologist (1884), 5, 85-91.
(5) The Alienist and Neurologist. Édité de 1880 à 1916. 37 volumes.
(6) Hugues C.H. Op. cit. P 91.
(7) Benjamin Ball (1833-1893).
(8) “ We use the term ” borderland,” in deference to Mr. Ball, who not long ago entertained us with a charming lecture on the subject, and to common medical opinion, since Forbes Winslow gave the profession his excellent treatise. ” (Hugues C.H. Op. cit. P 90.)
(9) Ball B. “Quatrième leçon : Les frontières de la folie.” In : La morphinomanie. Paris : Asselin et Houzeau, 1889. Pp. 71-96.
(10) Ibid. Pp 71-72.
(11) Ibid. P. 73.
(12) Ibid. Pp. 75-76.
(13) Vignette clinique : « Jai été consulté il y a peu de temps par un malade qui présentait simultanément plusieurs impulsions morbides. C’était un artiste d’un grand talent, né dans une condition très inférieure et pourvu d’une instruction purement élémentaire, mais qui, par la force de sa volonté, s’était élevé au-dessus de sa position. Il s’était marié jeune ; les enfants étaient venus de bonne heure, et avec eux les soucis. Il fallut redoubler de courage, et vers l’âge de trente-huit ans, l’intelligence de cet homme fléchit. Il commença à éprouver des impulsions bizarres auxquelles il ne résistait que par un grand acte de volonté. Voyait-il une glace, il éprouvait le besoin de la briser d’un coup de poing ; était-il près d’une fenêtre, il éprouvait le désir de se jeter en bas. Recevait-il quelques billets de banque, prix légitime de ses rudes travaux, il était tenté de les déchirer et de les jeter au vent. Enfin, des impulsions plus redoutables vinrent l’assaillir. A chaque instant il se sentait poussé à égorger ses enfants. Sa petite fille est prise du croup, dont elle meurt bientôt. Pendant la dernière nuit il veilla auprès de son berceau, et d’après ses propres paroles, « au moment même où je priais dieu avec des larmes abondantes de sauver la vie de cette enfant, j’éprouvais le désir atroce de la prendre dans son berceau pour la jeter dans le feu. » Ces impulsions redoublèrent au point de lui rendre la vie insupportable, et plus d’une fois il eut envie de se suicider. Enfin, la dernière fois qu’il vint me consulter, il me dit après m’avoir raconté ses misères : « Au moment même où je vous parle, j’éprouve un vif désir de vous étrangler ; mais je me retiens. » Cet aveu sincère, venant d’un homme taillé en hercule, donnait à réfléchir. Je ne l’ai point revu depuis, et je ne sais pas ce qu’il est devenu ; mais le point intéressant de cette curieuse observation, c’est que jamais cet homme n’a commis un acte répréhensible ; il est toujours resté correct, et a toujours pu se retenir au moment critique. Il était bien réellement placé sur les frontières de la folie. » ( Ibid. Pp. 80-81.)
(14) Ibid. Pp. 95-96.
(15) Darcourt G., Chaine F., Guelfi J.-D. Op. cit. P. 188.
(16) Lacan J. De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité. Paris : Seuil, 1975. P. 343.
(17) Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Paris : PUF, 1966. P. 209.
(18) Lacan J. Le Séminaire, Livre VIII. Paris : Seuil, 2001. P. 379.