Dario Morales
La vignette clinique que je propose à la discussion permet de dégager un mécanisme, l’expulsion de l’objet, laissé souvent dans l’ombre, et que l’on prend souvent pour une production morbide, alors qu’en réalité, il s’agit d’une production, certes ratée, mais de reconstruction qui s’inscrit dans un schéma global d’une tentative de solution. Ici, il s’agit de l’usage d’un mécanisme de projection lequel consiste à rejeter au-dehors ce qu’on refuse de reconnaître en soi-même ; mais la projection elle-même se trouve insérée dans les processus habituels de formation du symptôme. Dans un premier temps, ce qui serait en trop, l’insupportable, est absorbé, réprimé par le sujet ; dans un second temps, ce trop forcément évacué, mais de façon déformée, revient sous la forme des affects, d’angoisse et de haine méconnus par le sujet. La clinique nous vient en aide, car dans la psychose par exemple, l’objet que nous désignons l’objet a, encombre littéralement le sujet, le regard, la voix, deviennent plus qu’envahissants, menaçants et du coup toute une symptomatologie de l’objet a vient se présentifier sous les effets des troubles hypocondriaques, des tentatives de mutilations, des passages à l’acte, etc., la signification phallique faisant défaut, le tamis qui permet de filtrer les objets, de les serrer dans les filets de la signification, donnant ainsi du sens, et bien, la signification phallique faisant défaut, l’objet a se met à pulluler, la jouissance délétère – sans loi ni cadre – se délocalise et le passage à l’acte a pour visée alors de faire advenir une castration symbolique par la perte réelle de l’objet qui affecte le sujet. La haine par exemple, qui vient identifier la jouissance dans l’autre, se consolide solidement autour de tel ou tel persécuteur. Le psychanalyste J-P Maleval fait le commentaire suivant des crimes commis par les sœurs Papin ou chez Aimée « d’une tentative de guérison commise par le meurtre, cherchant à produire une soustraction qui les libérerait d’une jouissance délétère dont ils sont encombrési.
Je vous propose, à présent, de déplier ces différentes perspectives, celle de la dynamique du lien, celle de la marque de l’acte, par une vignette qui a le mérite d’interroger la nature des affects qui aliènent pour prendre la mesure des affects qui séparent. Cet homme est allé jusqu’à vouloir détruire, par haine, les liens naturels, ceux qui le lient à son entourage, sans pouvoir s’y séparer véritablement, l’acte opérant tout au plus sur lui un effet de pacification. Le titre « un affect qui aliène » aurait convenu parfaitement à son propos, car le sujet était en quelque sorte suspendu aux mains de l’Autre ; en donnant le titre de cet exposé « un affect qui sépare » la visée est autre : le sujet est parfaitement à l’aise, intégré dans le cadre carcéral, détenu modèle, toujours souriant ; une proposition de l’administration pénitentiaire va le bouleverser au point d’en référer à son avocat qui va lui proposer de rencontrer un psy ; on lui propose d’avoir une cellule individuelle, le sujet n’en veut pas, mais comme d’habitude il accepte tout ; il se sent angoissé ; il n’en a cure des cellules individuelles. Il me raconte qu’étant enfant lors d’une rare dispute de ses parents à son sujet, son père avait regretté sa naissance. Avant lui, ils (les parents) avaient vécu « l’un pour l’autre », il était donc de trop ; je lui rétorque que parce qu’il était de trop, il avait fait le choix d’être « l’un pour l’autre ». L’effet a été immédiat, il accepte la cellule individuelle, et s’est mis en quelque sorte au travail « pour lui »…
Il s’agit de M. L., qui a rencontré fortuitement vers les 56 ans une jouissance et surtout une impossibilité à pouvoir la symboliser et à en trouver un mode de subjectivation. Mr L. à commis un meurtre que la chronique judiciaire a désigné comme immotivé. Crime gratuit, accident, trouble psychotique, acte muet, un affinement de l’analyse des phénomènes en apparence immotivés inhérents à cet acte fou s’avère nécessaire. Ce qui caractérise les premiers entretiens, c’est l’absence complète de plainte, de remords ou de réclamation, manifestations usuelles des détenus réalisant à la fois leur acte et la privation de liberté à l’arrivée dans l’univers carcéral ; pas un mot, pas un signe qui témoignerait de l’entame que la faute inscrit dans l’acte, pas de culpabilité assumée ouvertement ; lui, au contraire se montre à l’aise, toujours souriant, parfaitement intégré dans un univers qui lui était a priori totalement étranger. Il se prête docilement au dispositif, se déclare responsable, veut creuser, seulement, il n’avance pas, se heurte en permanence à l’énigme de son acte, à ce qui fait cause. Un seul élément transparaît d’emblée, il s’exprime dans un jargon assez descriptif, l’usage des mots est souvent imprécis et vague, ça frise par moments la logorrhée.
Quelques éléments biographiques méritent d’être évoqués. Notable dans une petite ville de province, où il a fait fortune, il s’est retrouvé, ruiné, et endetté ; un jour sur un coup de tête, sans prévenir personne hormis ses vieux parents, il fuit et s’installe à l’étranger, en Asie. Ce qui domine dans cette aventure c’était le sentiment de s’arracher à tout problème, de toute préoccupation, sans jamais penser aux conséquences. Un sentiment d’incrédulité envahit le sujet. Au bout de quelques mois les parents lui apprennent que les créanciers ont obtenu la saisie du bien immobilier familial, il décide de rentrer. Il rend en cachette de sa femme, de ses filles et des créanciers, des visites fréquentes à ses parents. Ceux-ci lui confient la mission de monter à Paris leur acheter un pied-à-terre ; un soir, il apprend par ses parents que sa femme envisage de venir à Paris. Pris de panique à l’idée qu’elle puisse le croiser, il erre en ville, perd ou se fait voler son portefeuille ; il poursuit la visite des appartements, il en trouve un à son goût, c’est la troisième fois qu’il s’y rend ; l’employée de l’agence qui lui fait visiter l’appartement lui enjoint une décision, c’est la troisième fois qu’il le visite ; il devrait se prononcer, « vous n’êtes pas le seul monsieur », lui dit la vendeuse, le silence est pesant, elle lui demande de s’excuser un instant pour se rendre aux toilettes ; ce jour-là, il est le seul client, il se retrouve dans le vestibule, le sac de la dame est resté entre ouvert, une étrange idée lui effleure l’esprit, de s’emparer du chéquier de la représentante de l’agence, qui sort des cabinets lorsqu’il tente d’introduire maladroitement le chéquier dans sa veste, surprise, elle lui ordonne de lui remettre le chéquier. Au lieu d’obtempérer, il saisit un objet qui traînait dans un coin, lui assène deux coups sur la tête, et s’en va ! A ce moment-là, il a eu l’impression que la victime était menaçante ! L’enquête montrera qu’entre le jour du crime et son arrestation, il s’est conduit normalement, occupé à préparer son retour en Asie, en déjeunant chez ses parents ; occupé également à éviter sa femme. Plus ahurissant, il ne cherche pas à contacter ni les banques, ni son ancien patron ; il se sent comme paralysé, incapable d’entreprendre la moindre initiative. Il ne voulait pas se montrer, c’était leur signifier son échec.
Les expertises psychiatriques, peu précises (évoquent une socialité de façade lui permettant d’éviter une dépression massive) n’ayant pas conclu à son irresponsabilité, M. L. sera jugé trois ans plus tard et condamné à 15 ans.
Qui est donc M. L, quelle succession d’événements l’ont-ils poussé à commettre ce passage à l’acte ? Ce lâchage, sur le plan social et familial, l’amène naturellement à s’interroger (en premier lieu) sur le choix marital : contraint par ses parents, pour des raisons confessionnelles, à renoncer à une liaison prometteuse, il accepte un mariage avec une jeune fille rencontrée dans une agence matrimoniale, où le père l’avait lui-même inscrit. Il ne l’a jamais aimé son épouse. Le lien marital, qui n’est social qu’en puissance, c’est le désir qui le crée. Or ici, il cède sur son désir. Cette lâcheté sera payée en retour par une absence d’affirmation phallique. Il se sent toujours inférieur à elle, se cantonnant toujours dans le rôle de l’homme gentil et serviable. Les rapports sexuels étaient frustres, il se sentait menacé par ses avances, d’être un jouet entre ses mains. Il préférait la masturbation. La fonction compensatoire de l’amour faisant défaut, la haine s’est installée durablement. Mais il n’a jamais envisagé le divorce, de peur de froisser ses parents. Un événement, pourtant, avait marqué un tournant dès les premières années du mariage. M. L. lui-même enfant unique, fils des parents eux-mêmes uniques, n’avait jamais envisagé d’avoir un deuxième enfant, après maints refus il a dû se résigner à l’idée, et ensuite à la présence de sa fille, avec qui les relations ont toujours été distantes. Ce mot « unique » est un signifiant que M. L. déclinera dans la série, « parents uniques », « fils unique », « enfant unique ». « L’unique » est donc un signifiant-butoir qui condense à lui tout seul la charpente sur laquelle s’est construite l’imaginaire de la filiation qui affecte M. L. Ce signifiant est en quelque sorte un point d’inertie proportionnel à l’impossibilité de faire du deux (au sens de la singularité) avec de l’Un (au sens de l’universel). L’Un au sens de l’universel et de la totalité ne se divise pas, alors que l’un au sens de la singularité est le support comme tel de la différence, au sens où il produit le non-identique. C’est justement cette propriété qui pose problème à M. L. lorsque sa femme énonce son désir d’un deuxième enfant. Et plus tard quand elle énonce le désir d’un troisième enfant.
L’amour est unien, la haine vise l’un. L’amour et la haine ne se réfèrent pas au même point de la structure. Sur son versant imaginaire, aimer est une tentative de capture de l’autre en soi-même. Ce versant induit entre les partenaires une exigence d’être pareils, une exigence d’homogénéité. Il veut la similarité. Il aspire à l’unien, la réduction de l’Autre à l’Un. C’est ce qui est visé justement par M. L, c’est l’unien, car, tant que cet « amour » unien se maintient M. L. se satisfait. Or, l’épouse désire autre chose, un enfant, puis un deuxième, et puis un troisième, le désir, la jouissance d’une femme venant se mêler, M. L. se sent alors dépassé par le partenaire, « j’ai compris alors que ma femme s’affirmait comme femme », du coup relation, jusque-là bancale mais stable, bascule du côté de la haine. La deuxième fille est née. Mais pour lui, la cassure entre sa femme fut scellée quand sa femme l’a contraint à avoir le deuxième enfant. A la différence de l’amour, la haine qui vise la capture de l’autre, ne se suffit pas de la désunion, de la décompensation de l’union, mais vise la destruction, voire la disparition du rapport à l’autre, désignant un défaut radical de symbolisation. M. L. n’est pas indifférent du sort de l’autre. Il veut détruire avant tout le rapport qu’il entretient avec lui. La haine est donc un affect motivé par l’Autre, par un certain objet de l’Autre qui la nourrit. Objet représenté sous un jour obscur, M. L ne peut haïr l’autre, qu’à imaginer en cet autre un objet qui le « diminue
L’incrédulité : La relation aux parents se caractérise par une extrême adhésion à leur volonté et présence, sorte d’instance tutélaire à laquelle il mesure ses actes. Les parents étaient des cousins, le père, dépressif, ne s’était jamais remis de la mort de ses parents pendant la déportation, la mère, véritable soutien familial, était quelqu’un de très méfiant, le surprotégeait. Un souvenir qui date de sa 6e année, sa mère ramenait du travail à la maison, (elle était couturière), le faisait asseoir face à elle, lui sur une petite chaise, a contre-jour, il voyait son corps comme une ombre gigantesque, elle lui demandait de parler, il pouvait raconter ce qu’il voulait mais à condition qu’il ne se taise pas. Un jour il découvrit la clé de ce rituel, sa mère avait confié à une voisine que la présence et les paroles de son le fils la réconfortaient car elles lui permettaient de supporter son indicible solitude ; ce jour-là il a éprouvé un sentiment mélangé d’horreur et de honte, de croire découvrir que sa mère ne l’aimait pas mais qu’elle l’utilisait, honte de se voir signifier que le père était hors-jeu, carent, et que par sa lâcheté le père ne pourrait jamais le séparer de la place qu’il occupait dans le fantasme de la mère. Cette confidence de la mère peut être considérée comme une énonciation, faisant surgir le secret de la mère ; en tout cas l’énonciation de la mère est un acte, qui introduit une coupure entre un avant et un après. A partir de cette époque s’amorce une longue période où il ne croit plus aux mots car ils sont frappés d’inanité, en même temps, il se jure de ne jamais contredire ses parents ; en créant un lien imaginaire à l’Un parental, il soutient en réalité la défaillance maternelle, qui renvoie à celle du père. Il tente également de construire avec le temps un symptôme, une suppléance qui tienne et qui le fasse tenir en vie, comme sa mère, il devient un acharné du travail.
La haine à la jonction de l’imaginaire et du réel : Pendant plus de vingt ans, M. L a répondu à cette question sur le mode imaginaire : être père, c’était du pur semblant, consistant à assurer le rang social, c’était réussir dans les affaires sans jamais y engager directement sa parole. C’est donc au moment où les affaires vont mal et où il doit composer avec les banquiers et créditeurs que le mécanisme s’emballe, il prend des maîtresses, et dans ses temps libres erre en voiture, imagine qu’il s’expatrie. Il apparaît désormais clair que la menace émane de l’instance symbolique : il est sommé de rendre compte de ses actes. Sa femme s’y met aussi, et le somme de se battre pour garder la maison. Elle évoque l’idée de le quitter ; on peut faire l’hypothèse que l’ébranlement de la confiance de son entourage introduit une fêlure, dans ce qui faisait la base même de la relation au semblable : le couple imaginaire a-à, en le faisant basculer en position de celui qui doit montrer son visage. Face à ce désaxement majeur du symbolique, M. L. avait réglé sa conduite, sa socialisation sur le seul axe imaginaire, qu’il avait modelé sur l’image sociale de son milieu, allant jusqu’à reproduire au pied de la lettre les schémas de la consommation (c’est son expression) de sa classe sociale en ascension. Donner le change, (tromper /abuser) a marché tant qu’il a pu éviter toute situation qui puisse inquiéter l’Autre, jusqu’au jour où il est amené à devoir rendre compte de sa position subjective, la réponse vient anticiper la question sous la forme : disparition du sujet suivie d’un déferlement de férocité haineuse. Cette réponse, pouvait-elle être la sienne ? D’où la série : « disparition comme sujet lors du départ clandestin en Asie » ; « dissimulation lors de son retour anonyme », « errance après le passage à l’acte meurtrier », enfin, « silence dans les premiers temps de l’incarcération ». Ces différentes solutions ont été absolument insuffisantes. On voit qu’elles ont conduit inexorablement à ce qu’il cherchait à éviter : une confrontation sans médiation avec la jouissance de l’Autre, confrontation qui va précipiter le déclenchement de l’acte. Rappelons que, quelques jours auparavant, il avait perdu ses documents d’identité et son portefeuille, et qu’il avait erré en ville, déstabilisé par l’idée de rencontrer sa femme. Quand il se retrouve seul dans le salon avec le chéquier à la main, il se retrouvait dira-t-il, plus tard, dans l’incapacité à pouvoir donner une signification à la situation, cette perplexité fugitive laissa sa place à la honte d’être découvert ; d’être pris la main dans le sac. Il aurait voulu disparaître des lieux, s’effacer devant cet Autre, devant cette béance, ouverte par la rupture de la chaîne signifiante. Il confiera plus tard à la police qu’il n’a pas très bien su s’il devait frapper l’autre ou se frapper lui-même. S’il devait frapper cette femme qui l’avait fixé avec son regard, scotché et en quelque sorte paralysé ; il ne la voyait pas clairement car elle était à contre-jour mais il avait son regard fixé sur lui, elle lui parut soudainement très grande, sa voix résonna étrangement dans sa tête lorsqu’elle lui demanda « que faîtes-vous, là ? », mais il se rappelle, ahuri, qu’elle lui avait dit auparavant, « vous devez choisir, vous n’êtes pas le seul client ». M. L. confronté au surgissement inattendu et imprévu, des signifiants maitres de son passé, sort de sa paralysie, de l’incrédulité ; le passage à l’acte survient alors comme la tentative de se débarrasser d’un regard, surtout d’une voix, tentative de taire la férocité de la voix, « si elle n’avait pas parlé sur ce ton, je suis sûr que je n’aurais rien tenté contre elle », dira plus tard. Lors de ce moment d’ébranlement subjectif, le sujet pris la main dans le sac, revient ce qui est forclos dans l’incroyance, la certitude que l’Autre lui voulait du mal.
Un nouvel affect, la philia : Un acte présenté comme muet ne prend valeur et ses coordonnées que d’un univers de langage. Cela veut dire qu’il ne suffit pas d’un faire (ou d’un agir) pour qu’il y ait de l’acte ; il faut un dire pour l’encadrer. Le passage à l’acte de M. L. interroge la dimension de sujet dans la psychose, d’un sujet qui avait malgré son apparente réussite sociale, parvenu à se soustraire aux lois du langage et du désir, aliéné dans ses liens de jouissance, la haine foncière de l’Autre. Le sujet est en quelque sorte tapi, caché ; mais une difficulté avec la psychose, le sujet réclame une entame pour se dévoiler ; à vouloir fuir et renier, l’acte rattrape le sujet qui sortant de son inertie, tente alors de faire advenir une séparation décisive : il s’agit de se détacher radicalement de l’objet d’une jouissance interdite incarnée par l’Un maternel. A l’opposé en venant nous voir, ce dont il s’agit, via le transfert, c’est de réintroduire la jouissance à une fonction de semblant par la production d’un nouvel affect qui était déjà présent chez ce sujet mais catapulté ces dernières années – c’est-à-dire de le réintroduire dans le discours, dans ce qui fait lien, ce qui fait symptôme, et tenter ainsi de séparer les liens qui aliènent ! Le cas ci-présent pourrait donner à reconsidérer positivement la spécificité de l’amour qui en se détachant du désir épargne le sujet du ravage. En effet, un affect qui fait lien rend possible l’inscription du sujet dans un dispositif qui supplée à l’absence de défense contre le désir de l’Autre. Si ce sujet a trouvé en prison des liens lui permettant de se pacifier, c’est en raison du fait qu’il n’est pas uniquement un lien au semblable mais qui interpelle l’Autre, l’Autre de la loi, l’Autre de l’administration, il est l’auxiliaire mais aussi bibliothécaire. Il est décrit par ses codétenus comme un professionnel très gentil, efficace, présent. Par la médiation de ces fonctions, la rencontre de l’Autre habituellement problématique chez le sujet psychotique, occasion de déclenchement, apparaît ici comme possible à condition que l’Autre ne se montre pas trop désirant. Le travail thérapeutique va permettre que s’établisse « un rapport tempéré » à l’autre. Il est donc un traitement de la jouissance, un lien qui sépare. Ce lien s’adresse au semblant et vise son détachement du réel. En somme, l’affect qui pousse au lien relève du plan dont s’articule le savoir alors que la haine vise l’être de la jouissance.
i Ibid, pg 61
La vignette clinique que je propose à la discussion permet de dégager un mécanisme, l’expulsion de l’objet, laissé souvent dans l’ombre, et que l’on prend souvent pour une production morbide, alors qu’en réalité, il s’agit d’une production, certes ratée, mais de reconstruction qui s’inscrit dans un schéma global d’une tentative de solution. Ici, il s’agit de l’usage d’un mécanisme de projection lequel consiste à rejeter au-dehors ce qu’on refuse de reconnaître en soi-même ; mais la projection elle-même se trouve insérée dans les processus habituels de formation du symptôme. Dans un premier temps, ce qui serait en trop, l’insupportable, est absorbé, réprimé par le sujet ; dans un second temps, ce trop forcément évacué, mais de façon déformée, revient sous la forme des affects, d’angoisse et de haine méconnus par le sujet. La clinique nous vient en aide, car dans la psychose par exemple, l’objet que nous désignons l’objet a, encombre littéralement le sujet, le regard, la voix, deviennent plus qu’envahissants, menaçants et du coup toute une symptomatologie de l’objet a vient se présentifier sous les effets des troubles hypocondriaques, des tentatives de mutilations, des passages à l’acte, etc., la signification phallique faisant défaut, le tamis qui permet de filtrer les objets, de les serrer dans les filets de la signification, donnant ainsi du sens, et bien, la signification phallique faisant défaut, l’objet a se met à pulluler, la jouissance délétère – sans loi ni cadre – se délocalise et le passage à l’acte a pour visée alors de faire advenir une castration symbolique par la perte réelle de l’objet qui affecte le sujet. La haine par exemple, qui vient identifier la jouissance dans l’autre, se consolide solidement autour de tel ou tel persécuteur. Le psychanalyste J-P Maleval fait le commentaire suivant des crimes commis par les sœurs Papin ou chez Aimée « d’une tentative de guérison commise par le meurtre, cherchant à produire une soustraction qui les libérerait d’une jouissance délétère dont ils sont encombrési.
Je vous propose, à présent, de déplier ces différentes perspectives, celle de la dynamique du lien, celle de la marque de l’acte, par une vignette qui a le mérite d’interroger la nature des affects qui aliènent pour prendre la mesure des affects qui séparent. Cet homme est allé jusqu’à vouloir détruire, par haine, les liens naturels, ceux qui le lient à son entourage, sans pouvoir s’y séparer véritablement, l’acte opérant tout au plus sur lui un effet de pacification. Le titre « un affect qui aliène » aurait convenu parfaitement à son propos, car le sujet était en quelque sorte suspendu aux mains de l’Autre ; en donnant le titre de cet exposé « un affect qui sépare » la visée est autre : le sujet est parfaitement à l’aise, intégré dans le cadre carcéral, détenu modèle, toujours souriant ; une proposition de l’administration pénitentiaire va le bouleverser au point d’en référer à son avocat qui va lui proposer de rencontrer un psy ; on lui propose d’avoir une cellule individuelle, le sujet n’en veut pas, mais comme d’habitude il accepte tout ; il se sent angoissé ; il n’en a cure des cellules individuelles. Il me raconte qu’étant enfant lors d’une rare dispute de ses parents à son sujet, son père avait regretté sa naissance. Avant lui, ils (les parents) avaient vécu « l’un pour l’autre », il était donc de trop ; je lui rétorque que parce qu’il était de trop, il avait fait le choix d’être « l’un pour l’autre ». L’effet a été immédiat, il accepte la cellule individuelle, et s’est mis en quelque sorte au travail « pour lui »…
Il s’agit de M. L., qui a rencontré fortuitement vers les 56 ans une jouissance et surtout une impossibilité à pouvoir la symboliser et à en trouver un mode de subjectivation. Mr L. à commis un meurtre que la chronique judiciaire a désigné comme immotivé. Crime gratuit, accident, trouble psychotique, acte muet, un affinement de l’analyse des phénomènes en apparence immotivés inhérents à cet acte fou s’avère nécessaire. Ce qui caractérise les premiers entretiens, c’est l’absence complète de plainte, de remords ou de réclamation, manifestations usuelles des détenus réalisant à la fois leur acte et la privation de liberté à l’arrivée dans l’univers carcéral ; pas un mot, pas un signe qui témoignerait de l’entame que la faute inscrit dans l’acte, pas de culpabilité assumée ouvertement ; lui, au contraire se montre à l’aise, toujours souriant, parfaitement intégré dans un univers qui lui était a priori totalement étranger. Il se prête docilement au dispositif, se déclare responsable, veut creuser, seulement, il n’avance pas, se heurte en permanence à l’énigme de son acte, à ce qui fait cause. Un seul élément transparaît d’emblée, il s’exprime dans un jargon assez descriptif, l’usage des mots est souvent imprécis et vague, ça frise par moments la logorrhée.
Quelques éléments biographiques méritent d’être évoqués. Notable dans une petite ville de province, où il a fait fortune, il s’est retrouvé, ruiné, et endetté ; un jour sur un coup de tête, sans prévenir personne hormis ses vieux parents, il fuit et s’installe à l’étranger, en Asie. Ce qui domine dans cette aventure c’était le sentiment de s’arracher à tout problème, de toute préoccupation, sans jamais penser aux conséquences. Un sentiment d’incrédulité envahit le sujet. Au bout de quelques mois les parents lui apprennent que les créanciers ont obtenu la saisie du bien immobilier familial, il décide de rentrer. Il rend en cachette de sa femme, de ses filles et des créanciers, des visites fréquentes à ses parents. Ceux-ci lui confient la mission de monter à Paris leur acheter un pied-à-terre ; un soir, il apprend par ses parents que sa femme envisage de venir à Paris. Pris de panique à l’idée qu’elle puisse le croiser, il erre en ville, perd ou se fait voler son portefeuille ; il poursuit la visite des appartements, il en trouve un à son goût, c’est la troisième fois qu’il s’y rend ; l’employée de l’agence qui lui fait visiter l’appartement lui enjoint une décision, c’est la troisième fois qu’il le visite ; il devrait se prononcer, « vous n’êtes pas le seul monsieur », lui dit la vendeuse, le silence est pesant, elle lui demande de s’excuser un instant pour se rendre aux toilettes ; ce jour-là, il est le seul client, il se retrouve dans le vestibule, le sac de la dame est resté entre ouvert, une étrange idée lui effleure l’esprit, de s’emparer du chéquier de la représentante de l’agence, qui sort des cabinets lorsqu’il tente d’introduire maladroitement le chéquier dans sa veste, surprise, elle lui ordonne de lui remettre le chéquier. Au lieu d’obtempérer, il saisit un objet qui traînait dans un coin, lui assène deux coups sur la tête, et s’en va ! A ce moment-là, il a eu l’impression que la victime était menaçante ! L’enquête montrera qu’entre le jour du crime et son arrestation, il s’est conduit normalement, occupé à préparer son retour en Asie, en déjeunant chez ses parents ; occupé également à éviter sa femme. Plus ahurissant, il ne cherche pas à contacter ni les banques, ni son ancien patron ; il se sent comme paralysé, incapable d’entreprendre la moindre initiative. Il ne voulait pas se montrer, c’était leur signifier son échec.
Les expertises psychiatriques, peu précises (évoquent une socialité de façade lui permettant d’éviter une dépression massive) n’ayant pas conclu à son irresponsabilité, M. L. sera jugé trois ans plus tard et condamné à 15 ans.
Qui est donc M. L, quelle succession d’événements l’ont-ils poussé à commettre ce passage à l’acte ? Ce lâchage, sur le plan social et familial, l’amène naturellement à s’interroger (en premier lieu) sur le choix marital : contraint par ses parents, pour des raisons confessionnelles, à renoncer à une liaison prometteuse, il accepte un mariage avec une jeune fille rencontrée dans une agence matrimoniale, où le père l’avait lui-même inscrit. Il ne l’a jamais aimé son épouse. Le lien marital, qui n’est social qu’en puissance, c’est le désir qui le crée. Or ici, il cède sur son désir. Cette lâcheté sera payée en retour par une absence d’affirmation phallique. Il se sent toujours inférieur à elle, se cantonnant toujours dans le rôle de l’homme gentil et serviable. Les rapports sexuels étaient frustres, il se sentait menacé par ses avances, d’être un jouet entre ses mains. Il préférait la masturbation. La fonction compensatoire de l’amour faisant défaut, la haine s’est installée durablement. Mais il n’a jamais envisagé le divorce, de peur de froisser ses parents. Un événement, pourtant, avait marqué un tournant dès les premières années du mariage. M. L. lui-même enfant unique, fils des parents eux-mêmes uniques, n’avait jamais envisagé d’avoir un deuxième enfant, après maints refus il a dû se résigner à l’idée, et ensuite à la présence de sa fille, avec qui les relations ont toujours été distantes. Ce mot « unique » est un signifiant que M. L. déclinera dans la série, « parents uniques », « fils unique », « enfant unique ». « L’unique » est donc un signifiant-butoir qui condense à lui tout seul la charpente sur laquelle s’est construite l’imaginaire de la filiation qui affecte M. L. Ce signifiant est en quelque sorte un point d’inertie proportionnel à l’impossibilité de faire du deux (au sens de la singularité) avec de l’Un (au sens de l’universel). L’Un au sens de l’universel et de la totalité ne se divise pas, alors que l’un au sens de la singularité est le support comme tel de la différence, au sens où il produit le non-identique. C’est justement cette propriété qui pose problème à M. L. lorsque sa femme énonce son désir d’un deuxième enfant. Et plus tard quand elle énonce le désir d’un troisième enfant.
L’amour est unien, la haine vise l’un. L’amour et la haine ne se réfèrent pas au même point de la structure. Sur son versant imaginaire, aimer est une tentative de capture de l’autre en soi-même. Ce versant induit entre les partenaires une exigence d’être pareils, une exigence d’homogénéité. Il veut la similarité. Il aspire à l’unien, la réduction de l’Autre à l’Un. C’est ce qui est visé justement par M. L, c’est l’unien, car, tant que cet « amour » unien se maintient M. L. se satisfait. Or, l’épouse désire autre chose, un enfant, puis un deuxième, et puis un troisième, le désir, la jouissance d’une femme venant se mêler, M. L. se sent alors dépassé par le partenaire, « j’ai compris alors que ma femme s’affirmait comme femme », du coup relation, jusque-là bancale mais stable, bascule du côté de la haine. La deuxième fille est née. Mais pour lui, la cassure entre sa femme fut scellée quand sa femme l’a contraint à avoir le deuxième enfant. A la différence de l’amour, la haine qui vise la capture de l’autre, ne se suffit pas de la désunion, de la décompensation de l’union, mais vise la destruction, voire la disparition du rapport à l’autre, désignant un défaut radical de symbolisation. M. L. n’est pas indifférent du sort de l’autre. Il veut détruire avant tout le rapport qu’il entretient avec lui. La haine est donc un affect motivé par l’Autre, par un certain objet de l’Autre qui la nourrit. Objet représenté sous un jour obscur, M. L ne peut haïr l’autre, qu’à imaginer en cet autre un objet qui le « diminue
L’incrédulité : La relation aux parents se caractérise par une extrême adhésion à leur volonté et présence, sorte d’instance tutélaire à laquelle il mesure ses actes. Les parents étaient des cousins, le père, dépressif, ne s’était jamais remis de la mort de ses parents pendant la déportation, la mère, véritable soutien familial, était quelqu’un de très méfiant, le surprotégeait. Un souvenir qui date de sa 6e année, sa mère ramenait du travail à la maison, (elle était couturière), le faisait asseoir face à elle, lui sur une petite chaise, a contre-jour, il voyait son corps comme une ombre gigantesque, elle lui demandait de parler, il pouvait raconter ce qu’il voulait mais à condition qu’il ne se taise pas. Un jour il découvrit la clé de ce rituel, sa mère avait confié à une voisine que la présence et les paroles de son le fils la réconfortaient car elles lui permettaient de supporter son indicible solitude ; ce jour-là il a éprouvé un sentiment mélangé d’horreur et de honte, de croire découvrir que sa mère ne l’aimait pas mais qu’elle l’utilisait, honte de se voir signifier que le père était hors-jeu, carent, et que par sa lâcheté le père ne pourrait jamais le séparer de la place qu’il occupait dans le fantasme de la mère. Cette confidence de la mère peut être considérée comme une énonciation, faisant surgir le secret de la mère ; en tout cas l’énonciation de la mère est un acte, qui introduit une coupure entre un avant et un après. A partir de cette époque s’amorce une longue période où il ne croit plus aux mots car ils sont frappés d’inanité, en même temps, il se jure de ne jamais contredire ses parents ; en créant un lien imaginaire à l’Un parental, il soutient en réalité la défaillance maternelle, qui renvoie à celle du père. Il tente également de construire avec le temps un symptôme, une suppléance qui tienne et qui le fasse tenir en vie, comme sa mère, il devient un acharné du travail.
La haine à la jonction de l’imaginaire et du réel : Pendant plus de vingt ans, M. L a répondu à cette question sur le mode imaginaire : être père, c’était du pur semblant, consistant à assurer le rang social, c’était réussir dans les affaires sans jamais y engager directement sa parole. C’est donc au moment où les affaires vont mal et où il doit composer avec les banquiers et créditeurs que le mécanisme s’emballe, il prend des maîtresses, et dans ses temps libres erre en voiture, imagine qu’il s’expatrie. Il apparaît désormais clair que la menace émane de l’instance symbolique : il est sommé de rendre compte de ses actes. Sa femme s’y met aussi, et le somme de se battre pour garder la maison. Elle évoque l’idée de le quitter ; on peut faire l’hypothèse que l’ébranlement de la confiance de son entourage introduit une fêlure, dans ce qui faisait la base même de la relation au semblable : le couple imaginaire a-à, en le faisant basculer en position de celui qui doit montrer son visage. Face à ce désaxement majeur du symbolique, M. L. avait réglé sa conduite, sa socialisation sur le seul axe imaginaire, qu’il avait modelé sur l’image sociale de son milieu, allant jusqu’à reproduire au pied de la lettre les schémas de la consommation (c’est son expression) de sa classe sociale en ascension. Donner le change, (tromper /abuser) a marché tant qu’il a pu éviter toute situation qui puisse inquiéter l’Autre, jusqu’au jour où il est amené à devoir rendre compte de sa position subjective, la réponse vient anticiper la question sous la forme : disparition du sujet suivie d’un déferlement de férocité haineuse. Cette réponse, pouvait-elle être la sienne ? D’où la série : « disparition comme sujet lors du départ clandestin en Asie » ; « dissimulation lors de son retour anonyme », « errance après le passage à l’acte meurtrier », enfin, « silence dans les premiers temps de l’incarcération ». Ces différentes solutions ont été absolument insuffisantes. On voit qu’elles ont conduit inexorablement à ce qu’il cherchait à éviter : une confrontation sans médiation avec la jouissance de l’Autre, confrontation qui va précipiter le déclenchement de l’acte. Rappelons que, quelques jours auparavant, il avait perdu ses documents d’identité et son portefeuille, et qu’il avait erré en ville, déstabilisé par l’idée de rencontrer sa femme. Quand il se retrouve seul dans le salon avec le chéquier à la main, il se retrouvait dira-t-il, plus tard, dans l’incapacité à pouvoir donner une signification à la situation, cette perplexité fugitive laissa sa place à la honte d’être découvert ; d’être pris la main dans le sac. Il aurait voulu disparaître des lieux, s’effacer devant cet Autre, devant cette béance, ouverte par la rupture de la chaîne signifiante. Il confiera plus tard à la police qu’il n’a pas très bien su s’il devait frapper l’autre ou se frapper lui-même. S’il devait frapper cette femme qui l’avait fixé avec son regard, scotché et en quelque sorte paralysé ; il ne la voyait pas clairement car elle était à contre-jour mais il avait son regard fixé sur lui, elle lui parut soudainement très grande, sa voix résonna étrangement dans sa tête lorsqu’elle lui demanda « que faîtes-vous, là ? », mais il se rappelle, ahuri, qu’elle lui avait dit auparavant, « vous devez choisir, vous n’êtes pas le seul client ». M. L. confronté au surgissement inattendu et imprévu, des signifiants maitres de son passé, sort de sa paralysie, de l’incrédulité ; le passage à l’acte survient alors comme la tentative de se débarrasser d’un regard, surtout d’une voix, tentative de taire la férocité de la voix, « si elle n’avait pas parlé sur ce ton, je suis sûr que je n’aurais rien tenté contre elle », dira plus tard. Lors de ce moment d’ébranlement subjectif, le sujet pris la main dans le sac, revient ce qui est forclos dans l’incroyance, la certitude que l’Autre lui voulait du mal.
Un nouvel affect, la philia : Un acte présenté comme muet ne prend valeur et ses coordonnées que d’un univers de langage. Cela veut dire qu’il ne suffit pas d’un faire (ou d’un agir) pour qu’il y ait de l’acte ; il faut un dire pour l’encadrer. Le passage à l’acte de M. L. interroge la dimension de sujet dans la psychose, d’un sujet qui avait malgré son apparente réussite sociale, parvenu à se soustraire aux lois du langage et du désir, aliéné dans ses liens de jouissance, la haine foncière de l’Autre. Le sujet est en quelque sorte tapi, caché ; mais une difficulté avec la psychose, le sujet réclame une entame pour se dévoiler ; à vouloir fuir et renier, l’acte rattrape le sujet qui sortant de son inertie, tente alors de faire advenir une séparation décisive : il s’agit de se détacher radicalement de l’objet d’une jouissance interdite incarnée par l’Un maternel. A l’opposé en venant nous voir, ce dont il s’agit, via le transfert, c’est de réintroduire la jouissance à une fonction de semblant par la production d’un nouvel affect qui était déjà présent chez ce sujet mais catapulté ces dernières années – c’est-à-dire de le réintroduire dans le discours, dans ce qui fait lien, ce qui fait symptôme, et tenter ainsi de séparer les liens qui aliènent ! Le cas ci-présent pourrait donner à reconsidérer positivement la spécificité de l’amour qui en se détachant du désir épargne le sujet du ravage. En effet, un affect qui fait lien rend possible l’inscription du sujet dans un dispositif qui supplée à l’absence de défense contre le désir de l’Autre. Si ce sujet a trouvé en prison des liens lui permettant de se pacifier, c’est en raison du fait qu’il n’est pas uniquement un lien au semblable mais qui interpelle l’Autre, l’Autre de la loi, l’Autre de l’administration, il est l’auxiliaire mais aussi bibliothécaire. Il est décrit par ses codétenus comme un professionnel très gentil, efficace, présent. Par la médiation de ces fonctions, la rencontre de l’Autre habituellement problématique chez le sujet psychotique, occasion de déclenchement, apparaît ici comme possible à condition que l’Autre ne se montre pas trop désirant. Le travail thérapeutique va permettre que s’établisse « un rapport tempéré » à l’autre. Il est donc un traitement de la jouissance, un lien qui sépare. Ce lien s’adresse au semblant et vise son détachement du réel. En somme, l’affect qui pousse au lien relève du plan dont s’articule le savoir alors que la haine vise l’être de la jouissance.
i Ibid, pg 61