Anne-Sophie CHERON
INTRODUCTION
J’avais ce soir envie de vous parler de la question du burn-out, sur base de la clinique que j’ai développé tant en entreprise que dans le cabinet versaillais que je partage avec Dario Morales. Je vais commencer par rebondir sur les propos du Dr Aman (Faire la courbe). Si l’on se réfère aux théories du stress, nous distinguons 3 phases qui marquent le processus d’adaptation du sujet à l’évolution de son environnement : alarme (mobilisation massive et immédiate des ressources du corps grâce à la décharge d’adrénaline), adaptation (mobilisation des ressources du corps au service d’une stratégie d’adaptation au changement sous le coup du cortisol), résistance (consommation des ressources dans l’échec du processus adaptatif, saturation des récepteurs de cortisol et perte des effets dopant). Dans ce courant physiologique de pensée, le BO est l’effet de 2 dynamiques convergentes : d’une part la chute du cortisol dans le sang, c’est-à-dire la perte de l’effet dopant qui le caractérise et d’autre part l’épuisement des ressources physiologiques engagées pour la nécessaire adaptation du sujet aux exigences de son environnement. Ainsi, au niveau biologique, il s’agit donc du moment où le sujet, dans la foulée de la période d’euphorie adaptative, se trouve brusquement ramené à la réalité de son corps épuisé. On pourrait penser que le moment du BO correspond à l’épuisement déterministe de la courbe des ressources du corps au vu et au su du sujet grâce à l’effet du cortisol. Bien sûr qu’il y a de cela oui. Mais, nous les psychologues d’orientation analytique ne pouvons-nous pas essayer de penser les choses un peu en décalé ? Depuis que j’écoute mes patients, j’ai le sentiment que le moment du BO est aussi un moment de rupture de l’ordre du signifiant qui jusque-là contenait le sujet et même le faisait jouir ! Quelque chose de l’aliénation signifiante décroche brusquement, laissant le sujet désarrimé et démuni dans son rapport identificatoire. C’est là que nous entendons : « Quand on m’a dit « Tu ne respectes pas le deal », y avait plus rien, c’était le vide, j’avais plus de repère, plus d’appui ». ou encore : « Pendant une réunion, un opposant au projet m’a pris pour cible, je pousse un grand cri, je pars en pleurs, quelque chose avait explosé dans ma tête, mon esprit partait dans tous les sens et ne s’accrochait plus à rien » ou encore : « Tout à coup, c’était impossible de traverser la rue, j’étais comme un appareil électrique, débranché, je pensais plus à rien, j’étais présent mais pas là, déconnecté du monde réel, à plat».
C’est au travers de 2 vignettes cliniques complémentaires, que je vais tenter de vous entrainer avec moi dans l’histoire de ce terrible moment de décrochage, qui fait souvent trace dans l’histoire du sujet et fonde une nouvelle place dans la relation à son travail. Dario Morales a évoqué le nécessaire équilibre de la jouissance du signifiant et la jouissance / souffrance du corps. Nous nous promènerons ici sur l’axe jouissance / castration afin de vous illustrer 1) la nécessaire aliénation du sujet à un trait identificatoire pour tenter de réparer une identification insupportable, 2) Les impasses du sujet pris dans les rets de cette aliénation et l’exploration des solutions propres, 3) Le paiement de la dette symbolique, la jouissance de la castration et la position du maitre.
Vignette clinique n°1, Mr « Global» : Se désaliéner des signifiants du père jouisseur pour accéder à la castration
1-Les traits signifiant qui aliènent le sujet : la place du père : « Mon père, c’était Alexandre Legrand, un guerrier, un conquérant qui embarquait ses troupes partout. Il parlait l’espagnol, le portugais, le chinois, l’anglais, le hongrois, les langues de tous les pays dans lesquels il était allé, il donnait tout, c’était un fou de boulot. Il était le seul gradé parmi ses paysans, tout le monde l’adorait, le suivait. Il était celui qui organisait les choses pour que le pays se débrouille tout seul après, avec lui les petits grandissaient ». Pour autant, cet ensemble de traits paternels lui semble pour inaccessible et hors de portée, au moins dans ce 1er temps. Il nous dit de lui : « Moi, j’avais pas d’image de moi, j’étais un pion pris dans la masse. J’étouffais, j’avais pas grand-chose à exprimer, pas d’espace pour exister, je savais pas qui j’étais ni où j’allais ». Et contre la limite qu’impose la maladie dans le réel du corps (il est malade dans sa jeunesse et reste alité 1 an), il trouve les ressources pour soumettre son corps à un entrainement intensif et le corps de la souffrance devient le corps mortifié de la jouissance : « Lorsque j’ai fait mon service militaire dans la marine, moi qui n’avais pratiqué autre chose que le billard, j’ai découvert que mon corps n’était pas une limite ! Je nageais tous les soirs des kilomètres, je courais, je soulevais des poids, c’était l’euphorie, la jouissance absolue. Après le service militaire, je suis rentré dans la grande distribution mais après ma journée de travail, je partais marcher dans des endroits inconnus, je courais la nuit en ligne de crête, là où il y avait une vue ouverte, c’était euphorisant. Je me sentais porté par les sensations, l’espace, la grandeur, le plaisir esthétique et poum c’était la jouissance immense, disproportionnée. A 1500m d’altitude, j’étais plus le petit microbe sur terre, à 1500m d’altitude, j’étais est au-dessus des normes, hors normes ». C’est le point de départ de l’expérience « corporelle » de la jouissance qui répare ainsi les défaillances de son corps malade. Là où il était passivé, il peut accomplir dans le corps des gestes extraordinaires, réparer la plaie existentielle et se singulariser de la masse familiale : « hors norme ». Il satisfait en même temps la pulsion, définie par Freud comme ce qui exige une satisfaction immédiate, sans délai, par tous les moyens. La pulsion ne sait pas de quoi elle se satisfait, elle exige simplement une satisfaction immédiate, avec des conséquences souvent ravageantes pour le sujet. Et ce sera bien le cas pour Mr « GW », car à être investi dans l’après de ses journées, il se fait licencier au bout de 6 mois. La jouissance du corps n’est pas prise dans la tâche, autrement dit, la jouissance n’est pas articulée à un désir et cela ne le tient pas socialement.
2-L’aliénation aux signifiants du père, pris dans la tâche : Arrive à ce moment-là un petit incident, un problème au dos, nous dirons nous, ici, une 1ère castration dans le réel du corps, qui fait bifurcation. Mr G se réoriente et entre dans le conseil en stratégie dans lequel il reste 7 ans : « J’étais dans le cabinet de conseil le plus cher du monde, j’étais « worldwide », je voyageais partout dans le monde, j’apprenais à parler la langue des présidents, à apporter des solutions à l’entreprise pour qu’elle soit ensuite autonome et se passe de nous ». Les signifiants du père commencent à se dessiner mais, contrairement à l’expérience précédente, ils sont pris dans la tâche et donc cela tient socialement et professionnellement, même si la reconnaissance ne fait pas encore jour. Mr G effectue une opération importante ici : il introduit la jouissance du signifiant là où il n’y avait que la jouissance du corps. Eh oui, car Mr G continue à jouir dans le réel du corps. Il dit : « Pendant 7 ans, j’ai bossé 20h par jour. J’avais 4h pour dormir mais je refusais de dormir, je marchais la nuit pour pousser encore plus loin la machine, c’était comme une drogue, j’avais conscience que c’était suicidaire ». Et nous voyons ici une autre articulation de la pulsion et de la jouissance : celle dans laquelle, la jouissance va au-delà du plaisir du sujet et l’emporte vers une satisfaction toujours plus grande, au-delà, au-delà, au-delà du corps… souvent jusqu’à la mort. D’où la nécessaire aliénation du sujet à un signifiant paternel théoriquement protecteur. La protection joue puisque le sujet en fixant la jouissance dans la tâche s’insère professionnellement et obtient des résultats mais elle ne parvient pas à contenir la jouissance débordante du corps puisque : « Un jour je me réveille en panique à l’hôtel et je ne sais plus où je suis : New York ? Paris ? Londres ? ». Le sujet ne se reconnaît pas, car derrière la prestance et la réussite, demeure l’inconnu du désir de l’Autre. La part intime du sujet surgit brusquement, transfigurée comme inconnu, comme étrangère et c’est la crise de panique : il ne sait plus où il est, et surgit brusquement un signal d’alarme : « l’inquiétante étrangeté », un phénomène angoissant qui l’envahit et qui le met devant quelque chose de non symbolisé : « le désir de l’Autre » semble antinomique, inarticulable avec la recherche du sens qui échappe brusquement au sujet. « Le désir de l’Autre » fait brusquement retour dans le réel et vient marquer la fin de cette modalité de jouissance.
3-La jouissance du signifiant : Face à cette angoisse, le sujet trouve enfin une parade, rentrer dans le monde de l’entreprise ! Il y déploie les signifiants du père en quête de la reconnaissance et de la place symbolique : il voyage à l’international dans des pays similaires à ceux traversés par son père et y séjourne en tant qu’expat, pour de longues périodes. Il en dira « Je partais faisais la conquête des marchés comme un général étoilé, je marchais au côté du président du pays mais ce qui m’intéressait c’était d’aller chevaucher seul au milieu des vaches en embarquant les gauchos ». La jouissance se déploie et se concentre dans les signifiants du père, et ce désir, malgré la charge de travail qu’exige la conquête de chaque pays, le tient pendant des années.
4-La rupture de l’aliénation signifiante et le burn-out : Mr G. rentre en France. Il est trop expérimenté, trop cher, la conquête internationale est désormais digitale, portée par des jeunes loups incompétents mais bon marché. Après quelques mois de « plage », on lui propose enfin un projet, enfin on lui propose de devenir l’artisan de l’ouvrage opérationnel de l’entreprise, de passer de la place du chasseur à celle de l’éleveur. De plus, ce n’est pas un projet c’est un guet à pan ! En plus d’être purement franco-français, la conduite du changement est infernale : les syndicats s’opposent, le client le maltraite et les équipes l’ignorent. Impossible d’endosser à nouveau la tunique d’Alexandre Legrand et le retour en France devient alors « un coup de bâton qui lui casse le dos » et stoppe son élan de recherche des S1 du père. Et pour compléter le tableau, il est convoqué par le président qui, posé en juge de son action, lui renvoie : « Ce n’est pas ce qu’on attend de toi ! ». A ce moment-là, l’identité imaginaire s’effondre : « y avait plus rien, c’était le vide, plus aucun argument, j’étais incapable de structurer ma pensée, j’avais plus de repères, plus d’appui ». Ainsi, la pensée s’arrête. Après avoir été touché dans le corps de la jouissance, c’est le lieu de la construction signifiante qui déboite et c’est l’arrêt de l’activité. Là où la reconnaissance était attendue sur le registre du symbolique, revient comme un boomerang dans le réel le trognon, ce grotesque du regard qui juge, le regard du père qui suspend l’être du sujet « J’étais un pion pour le groupe ».
En guise de petite conclusion pour cette vignette, je soulignerai 2 processus psychiques illustrés ici. Le 1er est le travail de construction de l’aliénation signifiante, je dis travail car on voit bien comment le sujet est au boulot de l’expérimentation itérative ici. Là où le signifiant « hors norme » déséquilibre la balance en faveur de la jouissance au point de tuer le sujet, vient s’agréger progressivement le signifiant « Alexandre », qui semble équilibrer le rapport jouissance / souffrance de façon satisfaisante pour le sujet pendant une vingtaine d’années. Mais sur quelle base travaille-t-on l’aliénation signifiante ? C’est bien la question qui se pose ici ! Car, c’est au père de la jouissance que nous avons à faire et toute l’histoire de la vie du fils tourne autour de cette interrogation : comment faire avec la jouissance quand les signifiants paternels ne portent pas la marque d’une limite ? Et c’est avec ce déséquilibre qu’il doit faire et construire une aliénation signifiante plus équilibrée. Je voulais ensuite éclairer ce qui semble ici sous tendre le Burn Out et qui parait relever de la convergence de 2 processus : d’une part, un processus de rupture de l’aliénation signifiante qui délie le sujet avec la tâche et d’autre part, un processus de retour dans le réel du jugement de l’autre, non symbolisé par le sujet. Plus largement, cette vignette m’interroge sur la définition de la notion de trajectoire professionnelle et je me demande, au fond, par devers cette vignette si une « carrière » n’est pas tout simplement la quête d’une tâche bénéficiaire, symptôme ou prix à payer par tout sujet à l’aliénation signifiante patiemment construite et assumée ?
Vignette clinique n°2 Mr P : De la castration à la jouissance phallique
1-Les traits signifiant qui aliènent le sujet : les paroles de la mère : « J’avais que des mauvaises notes. Les examens, c’était le vide total, le blanc je rendais des copies vides. Ma mère me demandait toujours : « qu’est-ce que tu as eu comme notes ?! ». Elle faisait les devoirs avec moi, elle criait « cancre, bon à rien, tu feras jamais rien ! ». Elle me donnait des baffes. A l’école je faisais des constructions en allumettes, c’était la fierté des amis de mes parents mais ma mère disait : « tu devrais travailler plus au lieu de faire ça, tu travailles pas assez, tu penses qu’à t’amuser ! ». Ainsi, Mr P est « le bon à rien », « le pas assez ». Mr P est aujourd’hui à la tête d’une grosse entreprise de plomberie.
2-L’identification au signifiant imaginaire : Mr P dit « ça m’a donné la rage ». Ainsi, à l’injonction maternelle « tu devrais travailler plus au lieu de faire des maquettes », il s’identifie pleinement à la demande de la mère : « tu devrais travailler plus » et il refoule l’activité créatrice des maquettes. La colère, les cris, les baffes, le poussent à quitter le lieu où il est pour endosser le trait de la mère avec un petit décalage car il investit le registre manuel (la plomberie) et ça marche. Il travaille et devient à la fois Mr « encore mieux » (plus de bureaux, plus de salariés, plus de clients…) sans pour autant pouvoir en jouir : « J’en veux toujours plus ». Bien que fondateur, il est aussi celui « qui fait », qui répare avec ses gars les fuites chez les clients. Et lorsqu’en AT suite à son BO il arrive dans ses bureaux sans avoir de tâche à faire, il se sent « en trop ». L’identification au signifiant maternel écrase la jouissance. Et comme précédemment, on fait une petite incise sur la question du corps, Mr P dit : « j’avais un bec de lièvre et un pied-bot, je me suis jamais trouvé bel homme, mes muscles sont dysharmonieux, j’ai les jambes cagneuses, mon nez est disproportionné ». Avec la « rage », il refoule provisoirement sa difficulté avec ce semblant du corps du phallique, du beau corps, au profit de l’énergie, de la partie travailleuse du corps. Il devient d’ailleurs un « manuel ». Le corps est ainsi investi sur le mode du jouir du travail, au profit du signifiant maternel.
3-Le nécessaire surgissement de la jouissance : Questionné dans son rapport à la jouissance lors de sa 1ère relation amoureuse, Mr P fait face à une terrible perte « il perd tout » lorsque son amie le quitte pour un autre « qui la fait plus rire ». C’est l’effondrement dépressif. Le droit à la jouissance est interrogé et la solution identificatoire provisoire au signifiant maternel du « pas assez » est dénoncée par la femme. Et c’est la solution métonymique qui est privilégiée : Mr P. trouve une autre femme et continue.
4-La rupture de l’aliénation signifiante et le déclenchement du burn out : Celui-ci se produit dans un contexte à double dimension. Le 1er axe est professionnel : il vient d’acquérir un nouveau site en province qu’il doit réorganiser et relancer. Cette acquisition le sollicite donc du côté du signifiant maternel « encore mieux ». Le 2è axe est personnel : son épouse commence à sortir seule de son côté et à prendre du plaisir ailleurs. C’est alors qu’il a brusquement la crainte de « tout perdre » dans une répétition de sa 1ère séparation. Et c’est le Burn Out. Pourquoi ? Le seul choix qui s’impose à lui pour garder sa femme est d’être du côté de la jouissance. Or pour être du côté de la jouissance sans créer de conflit avec le signifiant maternel du « encore mieux », il faudrait qu’il puisse cesser de « faire » dans son nouveau site pour y occuper une place de maître, c’est-à-dire entrer dans l’ordre symbolique du commandement et de la délégation. Or n’ayant pas réglé son rapport à la dette il est condamné à assurer manuellement sa fonction de plombier sur le registre du faire. Pour diriger, il lui manque ce qui sous-tend l’activité d’un chef, c’est-à-dire le symbolique. Contrairement au père de Mr G de tout à l’heure, Mr P doit faire avec un père castré, mais qui n’a pas su jouir de sa castration, qui n’a pas su occuper la position du maître. Le père de Mr P, qui est garagiste, passe des années laborieuses et douloureuses à réparer, transformer un vieux hangar en un garage flamboyant, garage qu’il revend, à peine est-il terminé ! Ainsi, le père a travaillé, il a « fait » (« Mon père réparait tout, il faisait tout ») mais il n’a jamais pu accéder à la position du maître qui jouit de ses biens. Il transmet le faire, il transmet la castration dans le sens du travail mais il ne transmet pas la valeur ajoutée, ce delta de jouissance qui nous reste du travail. Ainsi, Mr P, tant qu’il ne peut nommer sa position phallique : « c’est moi qui ai créé cet empire » ne peut sortir du faire, de la jouissance du regard de l’autre pour diriger. C’est la position du sujet responsable qui, quand il a payé sa dette de la castration, peut être maître.
CONCLUSION
Ces 2 vignettes illustrent les impasses d’une assomption via le travail de la réalisation du désir du sujet. Dans la 1èr vignette, Mr G est aliéné au signifiant de la demande mise au service d’une réparation du corps qui fait que le sujet donne satisfaction à l’aspect pulsionnel. Il reste cependant devant l’impossibilité logique d’aller au-delà de cette 1ère réparation et c’est ce dont témoigne l’impasse dans laquelle il est, lorsqu’il est confronté au regard de l’autre. Tant qu’il est supporté par les signifiants de l’autre, Mr G avance, mais quand il doit aller chercher pour lui-même ses propres signifiants, il n’arrive pas à se réaliser comme sujet responsable et désirant. Il aurait fallu qu’à son retour de France, il s’arme d’une nouvelle position subjective pour que la demande de l’Autre rencontre son propre désir. Quelque chose rate et cette voie-là lui reste fermée et insatisfaite, marquant que quelque chose du sujet ne se réalise pas.
Dans le 2è cas, Mr P arrive à avoir une maitrise manuelle, à être le maître mais il n’arrive pas à jouir de la maitrise. Il désire mais il n’arrive pas à aller jusqu’au bout, à jouir de son objet. Il lui faut assumer pleinement sa castration, assumer la perte, le gain, en faire quelque chose. Mr P se rend compte de façon intuitive qu’il peut trouver un au-delà du plaisir, il réalise qu’il est possible de pousser le désir plus loin et de jouir. Il comprend petit à petit que s’il perd (de la puissance phallique), il transforme la jouissance en plaisir, en reconnaissance.
La « dépendance hypnotique » est une forme de dépendance imaginaire, dans laquelle lorsque le sujet doit répondre de sa place de sujet responsable, cela ne suit pas. Autrement dit, la dépendance hypnotique ouvre tout au plus, la voie de l’idéal, un idéal sans limite. Le sujet peut imaginer, certes qu’il est Alexandre ou un grand artisan plombier, mais quand il doit répondre dans le registre limité de l’ordre symbolique, il doit sortir de l’état l’hypnotique, se réveiller, quitte à rencontrer l’horreur de l’objet.
Comment, en tant que thérapeute, permettre à un sujet de se réveiller de cela avant qu’il ne se trouve confronté qu’à l’horreur de l’objet ? Est-il possible de séparer le sujet de son aliénation à ces signifiants qui l’ont construit mais aussi malmené et détruit ? Est-il possible de faire advenir un sujet travailleur mais aussi jouisseur ? Pour séparer le sujet du signifiant maître où il est fixé, il faut qu’il puisse trouver un S2, un S2 qui lui permette d’accéder à un « savoir travailler » autrement et qui s’accompagne non pas de la jouissance mortifère mais du plaisir et de la satisfaction.