Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

lLe clinicien et la pratique à plusieurs : le savoir- faire en construction – 2eme Après midi de l’atelier “Psychologues à l’oeuvre”, – La clinique de la rencontre

Dario MORALES

AME APO 16.06.2012 VisuelDans cette table ronde on pourrait traiter la place du clinicien dans la pratique à plusieurs : être le référent d’un patient est-il compatible avec l’interchangeabilité de sa place ? Comment nouer le singulier et la pratique à plusieurs ? Enfin, la réunion des équipes, du staff, la supervision, la synthèse, sont-elle « formatrices » ? Quel usage des références théorico-cliniques au sein de l’institution ?

Pour cette deuxième table ronde, je voudrais m’appuyer sur le titre de Jérémie Loebet, « Du psychologue au clinicien, faire son trou » qui fait le pendant du titre de l’exposé de Camille Routier, « L’appropriation de la fonction du psychologue » et le couronnement avec Maria Novaes, qui finit par avancer en quoi la fonction du psychologue orientée par la psychanalyse va dans le sens d’ « Accompagner un sujet dans la singularité ».
D’abord, j’apprécie la tonalité positive qui se dégage dans la trajectoire tracée par cette table ronde du parcours professionnel du jeune psychologue qui obtient le titre mais qui n’est pas encore clinicien ; il doit trouver une place auprès de l’équipe, et ce n’est pas gagné, même lorsque le service fonctionne « comme » une famille ; la difficulté n’est pas parfois d’y trouver une place mais de civiliser les liens familiaux chargés le plus souvent de rivalités imaginaires, d’héritages non assumés et des non dits ; civiliser (dans le sens de façonner) l’institution afin de permettre aux nouveaux intervenants de s’y inscrire, car il ne suffit pas d’être clinicien pour produire un effet dans l’institution, il faut parfois pousser l’institution à se civiliser à la singularité de la parole de chacun.
Pour preuve, les réunion du staff, les réunions de service montrent que ces moments que s’octroient les équipes, réunions plus ou moins instituées ne relèvent pas forcément que des échanges, mais ce sont des lieux où la parole de l’autre est reconnue dans toute sa valeur ou déniée ou transformée, etc ; il y a des institutions pathogènes qui ne valorisent pas la parole et le jeune clinicien n’arrive pas à faire son trou ni à produire un acte clinique, heureusement beaucoup d’institutions ne rentrent pas dans cette catégorie et le psychologue peut devenir inventif et s’octroyer une place. Pour les meilleures, lors des réunions, elles ne se contentent pas seulement de communiquer des informations, mais de soutenir l’articulation d’un discours sur le patient à travers le dire des membres de l’équipe, offrant (à ce dernier) la possibilité de se faire l’effet de ce discours. La réunion sert également à chaque membre de l’équipe pour trouver la parole juste.
Comment s’engage le clinicien dans ces réunions, dans cette pratique à plusieurs ? Mais en dehors des réunions, sur un plan plus général, il ne s’agit pas de savoir si le psychologue peut ou non avoir une place parmi les praticiens, mais si ces pratiques peuvent être exercées, en tenant compte des propositions du psychologue, du clinicien psychologue, orienté, par exemple, par la psychanalyse. Chaque intervenant peut avoir son style propre, son humour, son sérieux ; ses responsabilités spécifiques, mais les propositions des psychologues ont pour but d’interroger inlassablement quelque chose qui va au-delà des savoirs constitués et des titres et des diplômes supposés fonder la spécialité thérapeutique de chacun. Autrement dit, il s’agit moins d’amener un savoir déjà présent, constitué, que de poser les jalons d’un savoir à élaborer. Une telle position de recherche, d’étude, de questionnement, a d’abord l’avantage de contribuer à dissiper les effets imaginaires que comporte toute hiérarchisation des formations diplômées, au profit d’une communauté de travail entre praticiens opérant dans un même champ. Cela se traduit précisément par une position non hiérarchisée a priori quant au savoir, se répercutant en un partage de la même responsabilité : celle de la réponse à inventer et du type d’accompagnement lorsqu’il s’agit d’assurer par exemple, dans un Hôpital Psychiatrique, un « travail de la psychose ». Ne l’oublions pas, le psychotique travaille également, il est actif dans sa maladie, dans la création du délire, tentative de guérison, selon l’expression de Freud, mais surtout dans la recherche d’une suppléance.

En somme, il s’agit pour le jeune clinicien de s’investir dans la mise en commun et dans la discussion des hypothèses quant à ce qui peut produire des effets et des stratégies thérapeutiques dans le suivi et projets des patients. Cela traduit donc, une orientation de sa pratique dans l’institution selon le principe d’une communauté de travail fondée par la mutation au niveau du savoir ; s’inscrire dans cette pratique à plusieurs peut être alors une occasion plus efficace de transformer le savoir en une transmission de la clinique que de passer son temps à revendiquer une place pour sa « spécialité. Le psychologue aura alors trouvé sa place, dans un savoir faire en construction.