Silvia RICO
« L’infanticide comme point d’arrêt transgénérationnel »
Lorsque j’ai reçu l’argumentaire de la soirée je me suis dit que je pouvais peut être intervenir en essayant d’amener une réflexion articulant mes deux pratiques cliniques. En effet, je travaille avec Nathalie au Centre pénitentiaire de Château Thierry et par ailleurs dans le cadre de la protection de l’enfance dans un foyer. Mon expérience dans ce milieu, me permet de constater une palette de dynamiques familiales où il y a transmission, de génération en génération, d’éléments inassimilables, d’une souffrance extrême lié à ce que pour certains sujets, s’avère être une impossibilité à remplir les fonctions de la parentalité, laissant une sorte vide identificatoire satisfaisant à la génération suivante.
Pour commencer, je souhaiterais contextualiser le cadre de travail dans lequel se situe la rencontre entre ma collègue Nathalie LONGUET et ses deux patients.
Nous travaillons dans l’Unité Médico Psychologique Ambulatoire dépendant de l’Hôpital de Prémontré. Cette Unité se trouve à l’intérieur du Centre Penitentaire. Elle est composée d’une équipe psychiatrique en charge des soins psychiques et nous travaillons dans les mêmes locaux avec l’équipe rattachée à l’Hôpital de Château Thierry, qui sont en charge des soins somatiques. Si je prends le temps de décrire ceci c’est parce que je considère important de vous illustrer la taille du dispositif soignant qui travaille dans ce centre Pénitentiaire et qui s’explique par la complexité de la population accueilli. En effet dans la carte pénitentiaire Château Thierry a une fonction historique. Il a eu par le passé différentes étiquètes depuis les années 50, il a été dénommé « Maison centrale sanitaire », « Unité pour Malades difficiles », « Hôpital-prison ». En 96 L’Unité Sanitaire a été créé avec une équipe psychiatrique renforcé, ayant pour mission l’accueil des détenus présentant la particularité de la coexistence entre un trouble mental grave et un état psychopathique violent qui s’installent ou s’expriment au cours de l’incarcération.
Nous accueillons donc des patients détenus le plus souvent dans l’impossibilité d’être en lien avec autrui, provenant de l’isolement, ou nécessitant une prise en charge psychiatrique. Certains de nos patients ne sont pas en mesure d’aller ailleurs, ni trop délirants pour aller en UHSA/UHSI, ni assez adaptés pour être en détention ailleurs. Comme si cette maison centrale était un pont, à mi-chemin entre la détention ordinaire et l’hôpital psychiatrique. Dans la maison centrale, les détenus sont en détention le plus souvent depuis de nombreuses années et pour un très grand nombre d’entre eux, il n’y a pas des perspectives proches de libération.
Nous constatons à quel point un grand nombre de nos patients sont complètement coupés de tout lien familial, aux histoires chaotiques, entrecoupés, certains abandonnés par leurs mères, placés/déplacés, ou bien collés, surexcités, sexualisés non reconnus dans leur individualité. Et puis faisant état de relations difficiles avec leurs pères, des pères humiliés, postiches ou absents, ayant abandonné le domicile, ou inconnus parfois, ou bien des pères présents par leur violence, leur maltraitance physique ou psychique, parfois les deux. Souvent, je reçois des hommes qui haïssent leur père avec véhémence, n’ayant pas pu intégrer un minimum d’ambivalence à leur égard, le masculin ayant été malmené depuis leur plus tendre enfance, c’est une partie d’eux-mêmes qu’ils haïssent et qu’ils cherchent à détruire.
Dans notre clinique, nous retrouvons des hommes « peres » en souffrance, et le travail d’accompagnement que nous effectuons auprès d’eux, nous amène à nous questionner sur ce que le sens d’ « être père » et celui du « vouloir faire père » entoure pour chacun d’entre eux. Ici la question des identifications s’impose, identifications qui sont une partie essentielle de la construction de la personnalité avant, pendant et après la période œdipienne, de son déclin et de leur réactivation à chaque nouvelle étape de la vie. Ce vécu revient en puissance lorsqu’il est question de parentalité à son tour. Le sujet se doit, ou pas, de reproduire ou de réinventer et cela « passivement ou activement » la transmission à la nouvelle génération.
Pour rentrer donc dans la thématique de cette soirée, « A vouloir faire le père… » Il parait essentiel de commencer par une réflexion au sujet de ce que « être père » peut bien vouloir dire. La psychanalyse s’est efforcée d’étoffer les concepts au tour de la fonction paternelle et de son rôle essentiel dans la construction psychique du sujet. Elle nous apprend que Etre « père » d’un enfant est être celui qui l’adopte, qui lui apprend à vivre en société parce qu’il accepte l’interdit grâce à sa son existence. Etre père c’est être la figure qui permet à l’enfant d’entrer dans l’univers symbolique. L’Autre est ainsi introduit par la fonction paternelle, c’est par le Nom-du-Père, nous dit Lacan, par les trois instances de la fonction paternelle qu’il regroupe : le père réel, le père symbolique et le père imaginaire, que l’enfant « reçoit » la castration symbolique et qu’il renoncera à être le phallus de la mère. Par ailleurs, c’est par le « père » que l’homme aura les prémices de ce qu’il entrevoit comme tant son désir d’ « être » en tant que Père pour un autre. D’ailleurs Lacan a pu établir un lien étroit entre la manière dont l’enfant a traversé l’épreuve Oedipienne et l’accès, pour ce sujet devenu adulte, à la paternité réelle et symbolique.
Mais qu’en est-il du désir d’un homme de devenir père ? Je prends appui sur les propos de Patrick de Neuter qui propose que la paternité est une expérience lié au désir éprouvé par un sujet d’accéder à une assomption culturelle de sa virilité, de réaliser certaines identifications à son propre père, de satisfaire le désir de la compagne pour avoir en retour de la reconnaissance (valeur narcissique), de survivre par procuration au-delà de la mort, et aussi de payer la dette auprès de l’Autre, contractée lors de la naissance.
Je tiens à souligner une notion importante qui concerne ce devenir père ou mère lié à cette idée du désir du sujet. La parentalité est avant tout un processus : on parle de processus de parentification. Cette dénomination de processus implique l’enchainement d’un certain nombre de faits, d’opérations qui vont aboutir à quelque chose, à un objectif. Ce processus débute dans la dimension imaginaire. On rêve l’enfant et on se rêve en tant que parent. Ce remaniement concerne d’un côté une dynamique projective : l’enfant que l’on a été. Et d’un autre côté, une dynamique identificatoire par rapport aux parents que l’on a eus. Certains auteurs dont Bettelheim parlent d’une prime parentalité, dans une instance imaginaire, qui s’achevé lorsque l’enfant réel arrive. Le processus se poursuit par une adaptation du parent dans cette interaction avec la réalité. En parallèle, le futur parent s’appui sur des identifications primaires, puis des identifications secondaires plus élaborés, qui sont satisfaisantes à partir du moment où il y a conjonction entre les affectes d’amour et de haine. Cette ambivalence dans le sens Freudien, prend en compte les figures investies de la réalité.
La paternité est décrite, notamment en psychiatrie et en psychologie, comme une sorte de crise, il s’agit d’un changement de statut, c’est une situation réelle et imaginaire qui réinterroge la place du sujet dans l’ordre symbolique et qui exige une posture : il singe, il incarne ou il prend une imposture.
Parallèlement l’accession au statut de parent convoque les générations précédentes. Cette situation peut engendrer quelques malaises pour l’homme devenant père, et ils sont plus ou moins importants et durables selon les cas. Dans ma clinique concernant la parentalité, j’observe une profonde remise en question de l’identité, du statut dans une constellation familiale, et je soulève souvent des points de fixation œdipiens.
Concernant la situation Oedipienne, Anna Freud, souligne l’idée que « le complexe d’Œdipe est l’apogée de tout le développement antérieur, et la forme qu’il prend chez l’enfant serait plus ou moins déterminé par ce qui s’est passé auparavant, c’est-à-dire, par la relation orale et annale à la mère ». Le Complexe d’Œdipe correspond également aux assisses de ce qui peut se passer pour l’enfant, l’adolescent puis l’adulte dans le sens où c’est la fonction paternelle, qui assure l’accès à la réalité sexuelle. C’est en effet la manière dont le sujet va traverser cette étape qui viendra édifier l’accès au symbolique, à la subjectivité. L’Œdipe marque tous les niveaux du psychisme. Par sa traversé Oedipienne l’enfant pourra constituer des identifications secondaires dont il remplira son moi, plus mure, forgeant une partie essentielle de son identité. C’est l’étape constitutive du surmoi, de l’idéal du moi et des compromis entre les différentes instances qui seront sollicités à chaque fois qu’il sera question d’un nouveau conflit notamment de celui d’« être père ». Pour certains sujets, nous le constatons, la paternité revient à une crise existentielle qui s’avère parfois, infranchissable.
Ici, nous avons à faire, à deux « pères », dans le sens où ils ont été confrontés à la réalité externe d’une progéniture et ils ont construit des solutions face à leurs désirs (je voulais assumer ma responsabilité » dira l’un, « je voulais prendre soin de cet enfant qui me ressemblait tant » dira l’autre. Ils ont construit des solutions comme ils ont pu, face aux exigences de la fonction qui leur a été attribué ou qu’ils ont voulu incarner, avec leurs histoires singulières, leurs identifications et leurs structures.
Je laisse la place à ma collègue Nathalie LONGUET qui nous présentera une première vignette clinique, puis une seconde.
12’
Ce que je propose maintenant c’est de faire une lecture des possibles identifications à l’œuvre dans la construction identitaire de ces patients, identifications que comme nous l’avons vu un peu plus tôt, sont centrales lorsque le sujet est convoqué à incarner ou soutenir les diverses fonctions et instances paternelles.
Que nous apprend Christophe sur la figure paternelle ?
Elle est en apparence faible, ce n’est pas réellement une figure investie, car il parle peu de ce père, il le décrit comme un homme travailleur et strict dans son éducation. Il fait état d’une certaine violence mais ne reviens pas sur le sujet. Je me pose la question de l’absence d’identification car celle-ci est, à priori, à l’image de la relation affective que l’enfant a établie avec l’adulte. Ici c’est comme s’il s’opérait une certaine forme de déplacement. En effet ce serait le grand père, seule figure masculine qu’il semble avoir investie, qui a pu être porteur quelques représentations : il l’a aidé à rallumer son cerveau ! Il lui a donné les clés pour comprendre un peu le monde. Alors Christophe semble ne pas avoir réussi à se saisir de ce que son père pouvait lui apporter où bien, en absence de lien de filiation il rejette cette identification. Une question reste ouverte : est-ce que ce père non biologique a pu investir sa parentalité auprès de Christophe étant enfant ou est ce qu’il a vécu ce fils comme étant le représentant en chaire du rival ?
Dans tous les cas, c’est sur la ligné maternelle (puis qu’il s’agit du grand père maternel) qu’une transmission est possible. C’est par ce grand père que le cerveau se rallume, qu’il donne une certaine contenance à cette folie des chiffres lui permettant éprouver une certaine adaptation à son environnement et surtout, d’avoir le sentiment de contrôler, de maitriser ce qui l’envahissait ? le désir maternel.
Christophe dit ne posséder aucun souvenir jusqu’à l’âge du divorce de ses parents et cela est bien intéressant. On peut penser que ce qui l’empêche d’avoir de souvenirs c’est le contenu sexualisé de ceux-ci. Etant turbulent, et avec des grandes difficultés de discernement, n’ayant pas eu de souvenirs de la latence, des investissements extérieurs, de l’ouverture vers le monde, cela me fait penser que l’excitation sexuelle était débordante et ne fut clivé ? que lorsqu’il s’est trouvé face à la réalité qui est venu confirmer le fantasme du jeune garçon : il a éjecté le père, le divorce est prononcé et la possibilité de prendre sa place devient réelle, d’autant plus que la mère trompe le père avec un homme bien plus jeune. Il me semble que c’est là, qu’il s’est fermé à sa mère (c’est peut-être ce qui le fait dire qu’il s’est fermé à tout), mais cette fermeture a permis l’ouverture vers d’autres sources de plaisir, bien que toujours dans la projection-prolongement maternel : une amie de sa mère, que l’on peut supposer bien plus âgé que lui, permettra une forme de réalisation du désir dans cette relation incestuelle, relation qu’il répétera plus tard avec l’infirmière plus âgée aussi. On peut faire une lecture sur ceci et penser que Christophe d’un point de vue fantasmatique tue son père, avec qui il n’y aura visiblement plus de lien d’autant plus qu’on lui apprend que ce n’est pas son père biologique. Dans cette expérience, peut être que c’est par le meurtre du père que l’enfant peut s’ouvrir au monde ?
Que nous apprend-il sur la figure maternelle ?
C’est envers elle que Christophe renvoie son agressivité. Dans son discours il me parait entendre une haine qui se nourrit dans le fait que cette mère n’a pas donné satisfaction à celui qui a été son désir, celui de la posséder, de l’aimer, elle parait excitante, dit-il : « elle était plus femme que mère » mais au même temps froide, je me demande si cette froideur qu’il ressent et la seule réponse qu’elle a pu trouver à chaque fois que la proximité devenait trop grande. Dans tous les cas, ce n’est pas la mère qui a rempli la fonction de par excitations, c’est plutôt, et encore une fois, par déplacement, cette voisine qui transmet, qui donne, Christophe semble ne pas recevoir de celui avec qui il y a lien filiation directe.
Christophe ne semble pas faire état de sublimation non plus, pas de développement de la tendresse, les apprentissages n’ont été investis que partiellement. Il parait ne pas avoir eu de désexualisation et la question de son passage par une période de latence se pose réellement, autrement dit, il y a-t-il eu déclin de l’Œdipe ?
A mon sens, je pense que non, Christophe semble s’appuyer sur des supports externes à défaut d’intériorisation pour que son expérience dans le monde ne lui échappe pas entièrement : le grand père aurait permis la maitrise du monde externe, la voisine aurait permis la maitrise du monde interne. C’est son des figures déplacés et précairement incorporées. Je ne perçois pas une identification au père autre que celle d’être incapable de transmettre. Ce que le récit du patient m’évoque, c’est un empêtrement du sujet quelque part dans le complexe d’Œdipe à la recherche de l’accomplissement de son désir auprès de Jocaste. Pour Christophe, les parents sont des barrières, ces sont des freins qui lui empêchent de s’épanouir. Comment pourrait-il devenir ce qu’il déteste tant à son tour ? Comment pourrait-il transmettre à sa descendance alors qu’il n’a pas le sentiment d’avoir reçu de son ascendance ? En marquant le coup, Christophe refuse la fonction paternelle et reste un garçon. La parentalité lui evoque le néant, néant qu’il nous montre avec ce vide identificatoire paternel. Si l’on s’appui sur l’incorporation d’un imago paternel du coté du grand père, c’est la rigueur, la rigidité avec par ailleurs des protocoles transmis pour comprendre le monde, la droiture. Celles-ci seraient les caracteristiques qui forgeraient cette possible identification.
Quel père a été Christophe ?
Avec un processus de parentification écourté, sinon empêché, puisqu’il ne voulait pas être père, avec son identification au grand père de droiture, de rigueur qu’il décide « d’assumer sa responsabilité », Christophe se lance dans une imposture, qui lui est insupportable car d’un coté il y a une pauvreté identificatoire, qui l’empêche d’avoir les ressources pour investir à son tour cet enfant et cela lui demanderait par ailleurs d’être une « barriere » à son tour. Et d’un autre coté cet enfant vient raviver son vécu de rival, car cet enfant est investi par sa mère, alors viendrait un retour de l’angoisse du meurtre du père qu’il ne peut pas tolérer. Face au vide identificatoire, il s’agrippe à l’imago tout puissant et rigoureux qui élimine ce qui n’est pas conforme (c’est par ailleurs un enfant métisse, alors que dans sa famille ceci implique un rejet).
Je laisse la place à ma collègue pour la deuxième vignette clinique.
20’
Quelle lecture possible pour Patrick concernant la figure paternelle ?
Cette figure paternelle constituant l’identification au « père » parait omniprésente. Ce serait le père qui aurait voulu combler le manque d’investissement maternel, dans une certaine rigidité, autrement dit, dans l’impossibilité de se détacher de l’enfant imaginaire pour accepter l’enfant réel qui était Patrick, aveugle, fragile. Ce père parait nourrir le fantasme de toute puissance avec son désir de combler et de sauver Patrick de la détresse affective ainsi que par la violence dont il a pu faire preuve et qui amène le sujet adulte à évoquer sa peur de ce père qui aurait pu le tuer. Mais agissant par culpabilité, il n’a pas été en mesure de introduire la frustration, la loi, la castration, de lui mettre des limites. Patrick renvoie son agressivité envers son père car il ne lui a pas aidé à prendre en compte le principe de réalité. Je tiens à souligner que c’est par la présence d’investissement qu’il s’autorise à l’attaquer. L’image de ce père est celle d’un homme permissif, avec des difficultés relationnelles au fonctionnement mécanique, rigide, avec des difficultés à s’affirmer autrement que par la violence (je rappelle que la violence s’exprime souvent face à la peur). Patrick semble s’identifier à cette figure quasiment pleinement, il reprend des nombreux mécanismes paternels pour devenir à son tour le sauveur tout puissant de son de son fils.
Sur la figure maternelle, il souligne sa froideur, son absence d’investissement, comme empêché sur son monde affectif par son propre manque d’investissement parental (du deuil de sa sœur avant sa naissance). Il la cherche et cherche sa reconnaissance de manière constante à travers ses relations affectives. L’imago maternel est le but dont il n’a jamais pu se détourner, il veut la posséder pour lui tellement il la vécu lointaine.
Pour ce couple parental il n’a pas été possible d’accepter l’individuation psychique de Patrick et pour ce dernier, celle si pourrait être synonyme d’abandon. Il n’y a pas de reconnaissance d’un nouveau statut, celui de père, peut-être par ses parents ou bien dans la projection puisqu’il n’a pas pu renoncer à son statut unique de fils.
Pour le père de Patrick, le désir de differenciation du fils ne peut pas être respecté car il impliquerait un abandon de sa part. Patrick a été un enfant réel fragile, maladif, mais le père a refusé cette réalité. Ayant été enfant, Patrick n’a pas pu être reconnu dans sa fragilité et dans sa différence, il ne peut pas reconnaitre à son tour la fragilité de son fils. En absence d’identification satisfaisante nourrie par le père réel, imaginaire et symbolique de l’expérience propre du sujet, Patrick se penche pour un imago paternel idéalisé, tout puissant et face aux résonances que l’expérience de son fils éveille, il refuse la continuité.
Dans ces vignettes cliniques l’identification au père est non satisfaisante. Pour l’un c’est l’absence, pour l’autre c’est omnipresence. Ceci a pu alimenter la constitution d’un imago idéalisé nourrissant plus le « moi idéal » que « l’idéal du moi ». C’est d’ailleurs le cas lors qu’il y a carence affective ou maltraitance, on se porte sur des imagos et des identifications idéalisées avec leur rigidité, leur toute puissance à l’ampleur de l’avidité généré par le manque. Cet empêtrement de ces deux sujets dans le conflit Œdipien empêche d’ailleurs l’ouverture vers les autres identifications, d’autres dynamiques relationnelles sur lesquelles ils auraient pu s’appuyer pour nourrir leur parentalité. Lorsqu’il y a réactivation du conflit œdipien par rapport à une descendance, c’est l’agrippement à l’identification idéalisée car fantasmatique qui s’opère. Le sujet s’accroche à cette expérience pour faire face, pour performer, et avec un vécu défaillant et douloureux, le sujet tente de refuser la reproduction mais n’ayant pas d’autres ressources, c’est le vide. Pour lutter contre cette position, cette sorte d’impasse, il cède au fantasme du meurtre, pour éviter à la descendance d’éprouver le même sort. Il s’agirait ici d’être père sur la base de l’imaginaire de la toute-puissance pour arrêter une position qu’ils ne peuvent plus accepter, la reproduction. Ce point de fixation cherche à être dépassé, par le fantasme enfantin.
Je souhaiterai clôturer mon intervention sur ce fantasme de toute puissance et du meurtre, avec la phrase d’un enfant âgé de 5 ans que j’ai reçu il y a un certain temps. Il rentre dans mon bureau accompagné de sa tante et je constate qu’il a dans sa main un très beau scarabée vert. Sa tante qui le voit également à cet instant même lui demande de le remettre dans la nature et il lui répond que ce n’est pas possible car il est mort, et qu’il le gardera avec lui. Elle lui demande alors si c’est lui qui la tué, ce à quoi le garçon répond qu’il ne l’a pas tué, qu’il l’a sauvé. Le meurtre vient résoudre un conflit insupportable : la perte, la séparation, le changement du statut comme un risque de rupture dans la continuité de l’existence du sujet.
27’