Eliane CALVET
Ce soir nous recevons des soignants de deux institutions Soins Etudes, de taille et d’histoire différentes, toutes deux orientées par la psychanalyse, et qui articulent chacune à sa manière la logique soignante et la logique pédagogique. Leur cadre permet à des jeunes qui ne peuvent pas continuer à étudier dans un circuit classique de poursuivre leurs études dans un cadre permettant et facilitant ce cursus scolaire.
La Clinique Dupré de Sceaux fait partie des 11 établissements de la Fondation Santé des étudiants de France. Elle a une longue histoire, et accueille 150 patients en Hôpital, Hôpital de jour et CATTP. Une annexe du Lycée Lakanal de Sceaux est implantée dans la clinique, et 30 professeurs de l’Education nationale y enseignent, sur la base du volontariat. François Deschamps et Olivier Gales, qui y sont psychiatres, nous parleront plus précisément du fonctionnement de cette institution, qui reçoit des jeunes de France et d’Europe.
L’IHSEA, Institut Soins Etudes d’Aubervilliers, a été créé en 2009 par le Dr Yves Claude Stavy, chef de service, au sein des Unités hospitalières du Clos Bénard. Elle accueille une trentaine d’élèves de la seconde à la terminale. Les professeurs qui y enseignant sont aussi des volontaires détachés du lycée Le Corbusier d’Aubervilliers. Les élèves sont pour la plupart originaires d’Ile-de-France, et sont externes ou internes à l’UCA (Unité Clinique pour Adolescents, située dans les mêmes bâtiments). En septembre prochain, l’IHSEA déménagera dans de nouveaux locaux actuellement en construction, qui permettront d’accueillir plus d’élèves. Ligia Gorini, psychiatre responsable de l’IHSEA et Céline Mélou, une des psychologues de l’IHSEA vont nous parler de leur travail dans ce lieu.
Ni Freud, ni Lacan n’aimaient l’éducation. Freud, Dans le chapitre VII d’Analyse finie et infinie écrit que les trois métiers impossibles sont gouverner, éduquer et analyser. Lacan, quant à lui, page 274 du Séminaire IV La relation d’objet, parle de ces « longues années de crétinisation amplificatoire que constitue le commun de ce que l’on appelle éducation ».
Le week-end dernier a eu lieu, à Issy les Moulineaux, la deuxième Journée de l’Institut de l’enfant, dont le thème était : « L’enfant et le savoir ». Jacques-Alain Miller, dans la présentation de cette journée, écrivait : « L’enfant est par excellence le sujet livré au discours du Maître par le biais du savoir, c’est à dire par l’entremise du pédagogue ».
Education, pédagogie, apprentissages et savoirs sont des termes que nous avons à distinguer. Les enseignants transmettent leurs savoirs, leurs connaissances divisées en différentes matières. Les enfants en savent toujours plus que ce qu’on pense. Lors de cette même journée le linguiste Pierre Encrevé nous apprenait qu’un nouveau-né a un savoir linguistique sans apprentissage, à 4 jours il est déjà capable de distinguer les mots de la langue de sa mère.
Jacques-Alain Miller écrivait aussi : « L’enfant entre dans le discours analytique comme un être de savoir, et pas seulement comme un être de jouissance (…), il est sujet de plein exercice, et non pas sujet à venir comme il l’est aux yeux des pédagogues ».
Ici nous nous occupons d’adolescents (15/25 ans selon les normes de l’OMS), mais la question est la même : comment respecter dans l’éducation le savoir déjà là ?
Cette question cruciale s’est posée pour l’autisme. Comment ne pas confondre, pour les autistes, éducation et méthodes comportementales, qui étaenit la pente de la Haute Autorité de Santé contre laquelle les psychanalystes ont combattu en l’année de l’Autisme 2012. Les autistes de haut niveau réclament un accès éducatif au savoir non conformisant, qui respecte le sujet autiste et ses particularités d’accès au savoir, et le laisse développer lui-même ses compétences.
Apprendre n’est pas savoir, et c’est cette problématique que l’autisme dénude.
Au sein des Unités Soins Etudes, il est question de permettre aux adolescents que nous recevons, qui sont comme tous les adolescents du XXIème siècle, livrés aux discours de la science et du capitalisme, de se frayer un chemin vers le savoir à leur manière.