Fabienne HULAK
Le Dictionnaire des termes techniques de médecine de Garnier et Delamare donne la définition suivante de trauma « Trauma, blessure. Lésion locale produite par une violence extérieure ». Traumatique « Qui a rapport aux plaies, qui a pour cause une blessure. » Traumatisme « Etat général particulier, créé de toutes pièces par l’action d’une violence externe sur notre organisme » (Verneuil). Ce mot est souvent pris à tort dans le sens de trauma »1. L’aire sémantique de trauma est vaste et recouvre une longue et ample histoire conceptuelle et il a pris une place éminente dans le discours social, « sociétal », actuel. Il incarne notre malaise dans la civilisation. Le terme de traumatisme vient faire bouche trou et remplace de multiples dénominations réservées à la diversité des affects. Pour D. Fassin et R. Retchman c’est un « Signifiant flottant » qui incarne « un nouveau rapport au temps, à la mémoire, au deuil et à la dette, aux malheurs et aux malheureux »2. Selon Eric Laurent l’extension du terme tient au fait qu’il se situe « à l’interface entre la description scientifique du monde et un phénomène culturel qui l’excède »3.
La clinique du trauma connaît une recrudescence du fait de l’émergence de traumatismes de guerre dans les pays démocratiques, de faits d’une violence extrême qui émergent dans la société. Ils confrontent les cliniciens à de nouvelles problématiques, de nouvelles urgences qui les ont conduits à concevoir de nouveaux dispositifs d’accueil et de soin. D’autre part, il y a aussi une émergence sociale soutenue par certains cliniciens dans la cause des victimes mais surtout du fait d’une profonde mutation sociale qui a soudainement, pour des raisons extérieures au champ de la clinique, recomposé la figure du traumatisé en celle de témoin principal de la terreur de notre époque. Des pratiques nouvelles d’accueil ont donc été largement adoptées et elles ont reçu en retour un accueil très positif. En moins de vingt ans, le témoignage du traumatisme psychologique s’est imposé sur la scène sociale.
Cette conception nouvelle du traumatisme a émergé après la seconde guerre mondiale et l’expérience des camps de concentration. Curieux paradoxe de l’histoire qui fait qu’ait répondu à cette parole muette et non entendue, dans un long après-coup, tous ces dispositifs de témoignage et d’écoute, telles les cellules d’urgence médico-psychologiques.
Au niveau de la pratique se pose la question, d’une intervention précoce, de l’accueil, du soin éventuel et de l’apport, dans la perspective de cette journée, de l’expérience et de la pratique de la psychanalyse face à des situations de catastrophe et de violence mais aussi de l’abord du trauma dans des dispositifs de cure ou de consultations plus classiques. Ce qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes théoriques et cliniques.
C’est surtout l’après-guerre du Vietnam avec l’instauration de programmes de réhabilitation des vétérans qui aura contribué à changer la conception du trauma et l’émergence du concept de stress et de la réaction qu’il engendrerait. En 1980 la psychiatrie américaine en pleine évolution faisait ainsi entrer dans la classification officielle du DSM III un nouveau diagnostic, l’État de Stress Post-Traumatique (PTSD, PostTraumatic Stress Disorder). Pourtant sur le plan de la symptomatologie cette nouvelle entité ne semble en rien différente de l’ancienne névrose traumatique décrite depuis la fin du XIXème siècle dans les manuels de psychiatrie, (militaires ou non) et les écrits psychanalytiques. Cette soit disant nouvelle entité a été présentée comme telle, à l’Association américaine de psychiatrie comme une innovation pouvant rendre la parole à toutes les victimes. En moins de vingts ans, constate Didier Rechtman, la « renaissance » des troubles post-traumatiques va conquérir, grâce à un très important battage médiatique, une audience inégalée même par le terme de dépression. Dans le PTSD la dimension pathologique est mise de côté au profit de l’affirmation selon laquelle il s’agit d’ « une réponse normale à une situation anormale »4. En renommant l’ancienne névrose traumatique sans rien changer de sa sémiologie, la psychiatrie américaine aurait pris le risque, selon Robert Spitzer, un de ses plus éminents représentants, de faire échouer l’ensemble de l’entreprise du DSM-III5 et de ruiner le fragile équilibre entre la société américaine et la psychiatrie. En 1994 l’identification des PTSD a été confirmée et précisée dans le DSM-IV. Le débat s’est poursuivi avec les versions ultérieures.
L’histoire de la notion de trauma
Le duo de l’âme et du corps à fait longtemps florès en philosophie. Dans l’Europe savante « les rapports du physique et du moral » ont été l’enjeu d’un débat important. La réflexion anthropologique cherchait à reconsidérer les liens de l’âme et du corps selon des données d’expérience et non selon des propositions « romanesques » dues à Descartes à Hobbes, Malebranche, Leibnitz6… Tous ces points font partie d’une protohistoire, d’une généalogie de la psychologie et de la psychiatrie qui nous amène à constater qu’au départ le schème « action / réaction » enveloppe l’opposition du psychique et du physiologique.
Le mot réaction s’est ainsi imposé dans le vocabulaire médical dès le milieu du XVIIIème siècle, il s’insère dans le paradigme épistémologique de l’arc réflexe dont nous pouvons considérer qu’il est fondamental dans l’histoire des sciences. Dans l’article « Réaction » qu’Hippolyte Bernheim publie pour le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales7 en 1875, il reconnaît que « le mot réaction a pris (…) un sens si large qu’il ne peut plus être défini, qu’il ne comporte plus de signification précise. » L’article admet l’omniprésence de la réaction mais reste prudent. « On désigne de ce nom tout acte consécutif à une influence quelconque qui atteint un élément de l’être vivant, que cet acte soit utile, nuisible ou indifférent à cet être. La réaction ainsi envisagée comprend tous les phénomènes de la vie (…) L’histoire des réactions, c’est la pathologie tout entière (…) Provoquer ou favoriser des réactions utiles, prévenir ou combattre celles qui sont dangereuses, voilà tout le rôle du médecin (…) »8. Cet article sur le concept de « Réaction » s’éloigne, voire même, rompt avec les notions de « réaction vitale », « force vitale », « nature médiatrice »9. Ce terme de réaction est pris dans de nombreux sens qui peuvent provoquer la confusion. Cependant, une acception va conduire à le garder dans le vocabulaire de la médecine.
Bernheim retient le principe de la « réaction morale », il y voit des « phénomènes de l’activité cérébrale, causes ou effets de phénomènes qui se passent dans d’autres organes ». Il insiste comme certains de ses prédécesseurs sur le rôle joué par la personne et par la voix du médecin. Mais son discours introduit une notion nouvelle, celle de trouble fonctionnel en opposition à la lésion organique. La distinction de l’aspect fonctionnel du symptôme est ce qui va déterminer à prendre en considération le traitement psychologique. Le « traitement moral » est considéré comme pouvant opérer des réactions salutaires, c’est-à-dire « consoler un malade, soutenir son courage ébranlé, éloigner de son âme les angoisses terrifiantes qui le minent, c’est souvent réagir efficacement sur la maladie. A la voix douce et persuasive du médecin, le malade restauré comme par un baume salutaire sent la confiance renaître et son malaise se dissiper ; sans doute les altérations organiques une fois consommées persistent en dépit de toutes les influences morales. Mais les troubles fonctionnels si nombreux, l’anxiété précordiale, les palpitations nerveuses, la respiration haletante peuvent être amendés par une modalité nouvelle imprimée aux centres nerveux. Ainsi s’explique ou plutôt se conçoit cette influence immense qu’un médecin de cœur et de tact peut exercer sur son malade par cette médecine morale, vraie réaction névrosthénique, qui n’est pas le moins puissant parmi les agents de la thérapeutique »10.
L’opposition entre trouble fonctionnel et maladie organique subsiste toujours. Cette catégorie du fonctionnel ouvre donc et délimite le champ de l’intervention psychologique (la « médecine morale », la parole consolatrice). Mais l’intervention du médecin peut agir par « commotion » (joie, frayeur, etc.) ou par « diversion ». Bernheim n’évoque pas encore la suggestion qui le rendra célèbre. C’est en effet plus tard, qu’Ambroise Liébault, un praticien de Nancy lui a fait connaître sa pratique de l’hypnose et de la suggestion. Après l’adoption du mot de suggestion, la notion de « réaction morale » faiblira.
La menace fait partie de l’arsenal thérapeutique, c’était souvent l’avant-dernier moyen avant de faire intervenir les « grands moyens » physiques, douches, girations, cautères… François Leuret en est encore un éminent partisan. Toutes ces mesures « énergétiques » parfois très brutales ont pour justification de provoquer « la réaction salutaire ». Remarquons que c’est l’acte du médecin qui est traumatique. Ainsi les procédés consistent la plupart du temps à convaincre le malade, soit par une surprise, une joie ou une frayeur intense. Selon un modèle inspiré par la physique du choc des corps, la réaction psychologique est conçue comme un événement ponctuel qui peut inverser le cours d’une maladie grâce aux forces psychiques ou vitales qui s’opposent au mal. C’est un coup de théâtre, magistralement dirigé, un quasi miracle. Les idées fausses, les illusions, les plaintes somatiques sont soudainement dissipées. Le malade ne reprend la parole que pour se déclarer soulagé, délivré. Le revirement est soudain. Tel est le scénario rêvé de la scène médicale…
La thérapeutique suggestive même prudente par rapport aux formes trop impératives de l’injonction en a été la variante adoucie. Les tentatives de guérison instantanée par la parole sont conçues comme des équivalents laïques de l’exorcisme dont elles se déclaraient ouvertement les héritières. La figure du médecin compte plus que que la médication, le placebo en est le dernier avatar. Bernheim prend à témoin Jean-Martin Charcot sur les effets de la réaction pour combattre « le surnaturel en thérapeutique », c’est-à-dire, des conduites magiques ou superstitieuses. Le concept de réaction, phénomène nerveux naturel apporterait l’explication suffisante11. La causalité du symptôme ne semble guère les soucier. Pour Charcot, c’est l’hystérie qui est traumatique. L’hystérie traumatique est, selon lui, un type d’hystérie où « les symptômes somatiques, notamment les paralysies y apparaissent, souvent après un temps de latence, consécutivement à un traumatisme physique, mais sans que celui-ci puisse rendre compte mécaniquement des symptômes en cause »12. Il constate que certaines paralysies hystériques sont consécutives à des traumatismes physiques assez importants lorsque le sujet a senti sa vie menacée. Charcot rend compte expérimentalement du fait que les symptômes sont provoqués non par le choc physique mais par les représentations qui lui sont liées. Freud note une similitude entre cette conception et celle qui était la sienne au tout début de ses recherches avec Breuer.
Traumatisme, abréaction, catharsis
Plus tard, chez Bernheim la notion de réaction ne sera plus appliquée aux mécanismes de la guérison elle-même, elle concernera presque exclusivement la genèse de l’hystérie. Il déclare « L’hystérie n’est pas une maladie, mais un syndrome réactionnel émotif psycho-nerveux »13. Cette définition est sans cesse rappelée « L’hystérique est un sujet qui exagère certaines réactions psychodynamiques et les traduit sous forme de crises »14. Pour Freud, il s’agit de reconnaître le rôle des « suggestions indirectes » c’est-à-dire des « autosuggestions » et celui de l’inconscient… « Catarsis » et « abréaction » seront deux concepts importants quasi synonymes d’« évacuation » (Abfuhr) de l’affect enclavé. Dans la théorie initiale de Freud et de Breuer « tout ce qui d’une émotion soudaine n’est pas aussitôt évacué sera pathogène »15.
De la notion d’abréaction à celle de la perlaboration
Après les Études sur L’hystérie, Freud invente le terme de psychoanalyse qui subsume celui de « méthode cathartique ». Puis, dans « Remémoration, répétition et perlaboration »16 (1914), il indique que l’abréaction est passée à l’arrière plan alors que la perlaboration (Durcharbeiten) prend le dessus. La levée de la résistance implique une certaine temporalité.
Entre 1895 et 1897, Freud réduit la sexualité à un trauma. Son abandon de la théorie de la séduction marque la naissance de la psychanalyse, en abandonnant cette théorie, il admet que c’est dans la sexualité elle-même et non dans la seule contingence des événements que se trouve le trauma.
Du principe du plaisir à la pulsion de mort
Après la première guerre mondiale, Freud donne un sens nouveau aux accidents traumatiques et aux pathologies qui en résultent. Il en formule la théorie, l’échec du principe du plaisir est l’un des fondements de son hypothèse de la pulsion de mort. Le syndrome traumatique de la guerre, que sa définition soit psychanalytique ou non, est caractérisé par un noyau constant. Pendant de longues périodes, le sujet, sans que l’on puisse y remédier, peut avoir des rêves répétitifs qui reproduisent la scène traumatique provoquant des réveils angoissés alors que l’activité de veille n’est apparemment pas perturbée.
Freud connaissait l’existence de ces syndromes. Consulté en tant qu’expert pendant et après-guerre, il a pris parti contre certaines méthodes utilisées par la psychiatrie allemande pour traiter les traumatisés. Ces traitements consistaient la plupart du temps en chocs électriques (des faradisations intensives) et des suggestions autoritaires pour forcer les soldats à reprendre le combat. Les méthodes françaises et anglaises étaient un peu plus souples. Après la guerre de 1914, une commission d’enquête est menée sur l’existence de forfaitures militaires pour accuser des psychiatres d’avoir soumis des soldats, suspectés de simulation, à de trop forts courants électriques. La psychanalyse bénéficie dans un premier temps des faveurs et d’une reconnaissance de l’État puisqu’il est fait appel à son savoir pour juger de l’accusation portée sur Wagner-Jauregg, l’un des plus grands représentants de la psychiatrie. Malgré la diplomatie de son rapport d’expertise Freud et son école vont se retrouver au banc des accusés. Freud disculpe pourtant Wagner-Jauregg de toute intention volontaire de « mauvais traitement » mais lui reproche « d’étendre le cadre de la simulation un peu trop loin »17 et de méconnaître que dans la plupart des cas dits de simulation, il s’agit en fait de névroses. Son rapport d’expertise18 se termine par l’offre de psychanalyse comme alternative au traitement brutal de la thérapie électrique des névroses de guerre.
Freud ira jusqu’à renverser la proposition qui vise à prendre les simulateurs pour des non malades, en affirmant que : « Tous les névrosés sont des simulateurs, ils simulent sans le savoir et c’est leur maladie ». L’auditoire de Freud ne pouvait saisir sous la subtile ironie le remaniement théorique qui était en train de s’opérer. Pendant la guerre, les psychiatres ont observé un certain nombre de manifestations psychologiques qui faisaient suite à des traumatismes et pour lesquelles l’explication organique était insuffisante, tel Hermann Oppenheim, qui lance le terme de « névrose traumatique ». Ils en ont déduit des conceptualisations d’une origine totalement ou partiellement psychogène de ce matériel clinique. Adolf Strümpell, l’un des plus représentatifs de ce courant, introduit la notion de « représentations de désir » (Begehrungsvostellungen). Selon lui, il s’agissait de mettre les troubles non organiques consécutifs au traumatisme sur le compte non d’un désir inconscient mais d’un désir conscient d’échapper au service sur le front et d’obtenir une pension militaire. Wunsch (souhait) d’une indemnisation matérielle, d’où sa dénomination « d’hystérie à visée pensionnaire »19. La discrimination d’avec les simulateurs était mince et justifiait, selon lui, des traitements énergiques.
L’existence des névroses de guerre a suscité de nombreux débats de psychiatres puis de psychanalystes confrontés eux aussi à tout ce matériel. Victor Tausk20 pose le problème des psychoses de guerre et propose des mécanismes spécifiques à partir de fixation partielle de la libido. Pour Sandor Ferenczi le sujet est « resté pétrifié »21 dans la position qu’il avait au moment du trauma22. Il s’agit dans ces troubles d’une atteinte à la « souplesse du corps », et d’une pétrification partielle. Il termine son article par des remarques sur la contrainte de répétition (traumatophilie inconsciente), par là il anticipe l’« Au-delà du principe du plaisir » de Freud. De toute cette clinique découle l’espoir que l’étude des névroses de guerre amène les neurologues à un rapprochement avec les thèses de la psychanalyse… mais aussi la création de centres psychanalytiques de traitement. Cependant, la plupart des maladies névrotiques produites par la guerre disparurent avec la fin de la guerre…
Freud avec l’« Au-delà du principe du plaisir » et sa formulation de la deuxième topique « a pris à contre-pied le travail de ses élèves sur les névroses de guerre »23. Les efforts de ses élèves consistaient à chercher dans les névroses de guerre les mêmes mécanismes que dans les névroses de paix : il leur fallait accorder les névroses de guerre avec la doctrine du conflit du moi avec la libido. Karl Abraham dans son rapport de 1918, « Contribution à la psychanalyse des névroses de guerre » tente de démontrer que les symptômes des névroses de guerre sont en relation avec un conflit qui préexiste au traumatisme ; il existerait une prédisposition à la névrose que le traumatisme révèle, de sorte que « la valeur traumatique de l’accident s’en trouve réduite d’autant »24. Oscar Pfister dans son article « Sur les différentes sortes de psychogénie des névroses de guerre »25 met l’accent sur le rôle du transfert dans la causalité des névroses de guerre, tout particulièrement chez les prisonniers. Certains, tel Ferenczi ne condamnent pas totalement un traitement électrique « une seule séance d’électrothérapie accompagnée de suggestion, une légère action hypnotique suffisent souvent à rétablir une capacité fonctionnelle totale chez ces malades, ne serait-ce qu’à titre provisoire et conditionnel »26. Ernest Simmel spécialiste reconnu en matière de traitement psychanalytique des névroses de guerre, pratique une « psychocatharsis ». Selon lui, les symptômes des névroses de guerre sont l’effet d’une autosuggestion. Il traite par l’hypnose et à partir de l’interprétation des rêves et de la création de liens associatifs avec le passé, pour provoquer une abréaction de l’affect attaché à certaines représentations. Mais, l’abréaction ne suffit pas toujours et Simmel a parfois recours à l’artifice de mannequins rembourrés sur lesquels le soldat décharge son agressivité. C’est un traitement rapide. Simmel reconnaît qu’il laisse le matériel inconscient intact qui pourra cependant faire l’objet d’un traitement analytique ultérieur. Karl Abraham, préconise et pratique une sorte de psychothérapie analytique qui vise l’élucidation de l’origine et la nature de la souffrance.
Au-delà du principe de plaisir
Toutes les bases des traitements des névroses de guerre ne tiennent pas compte du changement qui s’opère chez Freud dans « Au-delà du principe du plaisir »27 en partie à cause de ces mêmes expériences des névroses de guerre dont il dit « qu’on n’est pas parvenu pleinement à les comprendre. »28 Au début du troisième chapitre d’« Au-delà du principe du plaisir » Freud confirme l’échec de la méthode analytique qui ne ferait appel qu’à la remémoration car c’est compter sans la contrainte de répétition, qu’il rapporte à ce nouveau concept qu’il invente : la pulsion de mort. Au moment où ses élèves espèrent encore élargir le champ d’application de l’analyse aux névroses de guerre en utilisant des notions et une méthode fondées sur l’abréaction et la remémoration, Freud isole dans les névroses de guerre le facteur traumatique comme ayant une portée théorique qui l’amène à reconsidérer la pratique analytique antérieure et à introduire un au-delà du principe de plaisir, antérieur à celui-ci, une contrainte de répétition indépendante, une pulsion de mort primitive qui va se manifester aussi dans le transfert. Dans « La psychanalyse et les névroses de guerre » (1919)29 après avoir caractérisé le refoulement comme « réaction à un trauma, comme névrose traumatique élémentaire », Freud revient après un long parcours buter de nouveau sur le caractère traumatique du sexuel même, soit une origine sexuelle autre que celle du « conflit du moi et des pulsions sexuelles repoussées par lui ».
C’est ainsi que Lacan situera le trauma dans le trou que constitue le réel au cœur du symbolique, figuré par le trou central d’un tore en continuité avec l’extériorité spatiale de la surface : structure qui oblitère l’opposition du dehors et du dedans. C’est ainsi qu’il va dans le séminaire XI30, en donnant l’exemple du rêveur éveillé par les coups donnés à sa porte, situer la cause de ce qui précède l’éveil en ce point extime. Ce réel causal du savoir inconscient, Lacan va l’identifier comme le lieu de l’impossible inscription du rapport sexuel qui met en série la sexualité et la mort.
Dans Le trauma à l’envers, Eric Laurent fait état d’un renversement dans la théorisation du dernier Lacan quant à l’approche du trauma par le fait qu’il y a du symbolique dans le réel : la structure même du langage comme telle hors sens. Ce qui implique la position de l’analyste à la place hors sens du trauma pour aider le sujet à retrouver la parole après un traumatisme, en une invention de l’Autre dans un surmontement de l’angoisse – à distinguer de la position de donneur de sens à ce qui n’en a pas. Eric Laurent en conclut « Il faudra donc à l’analyste, mesurer, pour chaque sujet, jusqu’où il peut présenter les deux pôles de son action ».
En conclusion
Dans le parcours que nous venons de suivre, nous aurons pu voir que le signifiant « trauma », qui renvoie à une notion fondée sur la métaphore de la blessure, a perduré en subsumant des références théoriques plus ou moins explicites pour en arriver au statut d’un concept opératoire dans le champ de la psychanalyse.
1 Garnier-Delamare, Dictionnaire des termes techniques de médecine, 1972, Paris, Maloine, 19ème ed., p. 1142.
2 Fassin D., Rechtman R., L’empire du traumatisme,2007, Paris, Flammarion, p. 405.
3 Laurent E., « Le trauma à l’envers » Ornicar ? Digital.
4 Rechtman R., « Remarques sur le destin de la psychanalyse dans les usages sociaux du traumatisme », Rev. Franç. Psychosom., 28 / 2006. Ainsi, « Désormais les victimes n’auront plus besoin de prouver la réalité de ce qui leur est arrivé. La mise en évidence des signes cliniques du PTSD suffit pour déclarer l’authenticité de la rencontre avec un événement hors du commun ».
5 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, III.
6 Cf. Starobinski J., « La réaction et la machine animale (Hobbes, Glisson, Buffon).
7 Bernheim H., in Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, dir. D’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1875, t. 81, p. 583-590.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Cf., Starobinski J., Action et réaction. Vie et aventure d’un couple, 1999, Paris, Seuil.
12 Laplanche J., Pontalis J.B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1971, p. 182-183.
13 Bernheim H., L’hystérie, Paris, Douin, 1913, p. 3.
14 Bernheim H., L’hystérie ibid., p. 73.
15 Cf. Starobinsky, op. cit. p. 173.
16 Freud S., « Remémoration, répétition, perlaboration », in La technique psychanalytique, 1975, Paris, P.U.F., p. 105-115.
17 Eissler K. R., Freud cité par Porge E., « Préface » in Freud sur le front des névroses de guerre, p. VII.
18 Freud S., « Rapport d’expert sur le traitement électrique des névrosés de guerre » (1920), in Résultats, idées, problèmes, t. 1, 1984, Paris, P.U.F, p. 253.
19 Strümpell A., Über die Untstersuchung, Beurteilung und Behandlung von Unfallkranken, in Münchener Medizinische Wochenschrift, 42, 1137-1140, 1165-1168.
20 Cf. Tausk V., « Contribution à la psychologie du déserteur » (1917), in Œuvres psychanalytiques, Paris, Payot, 1976, p.129 sq.
21 Ferenczi S. « Psychanalyse des névroses de guerre », Psychanalyse, t.III, Paris, Payot, 1974, p. 27-43.
22 Ferenczi S., « Deux types de névrose de guerre (hystérie), I), in Psychanalyse, t.II, Paris, Payot, 1970, p. 240-242.
23 Cf. Porge E., « Préface », op.cit., p. XV.
24 Abraham K., « Contribution à la psychanalyse des névroses de guerre », Œuvre Complète, t.II, Paris, Payot, 1966, p. 173-180.
25 Pfister O., « Über die verschidenartige Psychogenität der Kriesneurosen », IZP, n°5, 1918.
26 Ferenczi S., Œuvre Complète, t.III, op.cit. p. 37.
27 Texte commencé au printemps 1919.
28 Freud S., « Au-delà du principe du plaisir », in Essai de psychanalyse, 1968, Paris, Payot, Chap. II, p. 13.
29 Freud S., Résultats, idées, problèmes, t. I, op. cit., p. 247.
30 Lacan J., Le Séminaire livre XI, Les quatre concepts de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973.
1 Garnier-Delamare, Dictionnaire des termes techniques de médecine, 1972, Paris, Maloine, 19ème ed., p. 1142.
2 Fassin D., Rechtman R., L’empire du traumatisme,2007, Paris, Flammarion, p. 405.
3 Laurent E., « Le trauma à l’envers » Ornicar ? digital.
4 Rechtman R., « Remarques sur le destin de la psychanalyse dans les usages sociaux du traumatisme », Rev. Franç. Psychosom., 28 / 2006. Ainsi, « Désormais les victimes n’auront plus besoin de prouver la réalité de ce qui leur est arrivé. La mise en évidence des signes cliniques du PTSD suffit pour déclarer l’authenticité de la rencontre avec un événement hors du commun ».
5 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, III.
6 Cf. Starobinski J., « La réaction et la machine animale (Hobbes, Glisson, Buffon).
7 Bernheim H., in Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, dir. D’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1875, t. 81, p. 583-590.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Cf., Starobinski J., Action et réaction. Vie et aventure d’un couple, 1999, Paris, Seuil.
12 Laplanche J., Pontalis J.B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1971, p. 182-183.
13 Bernheim H., L’hystérie, Paris, Douin, 1913, p. 3.
14 Bernheim H., L’hystérie ibid., p. 73.
15 Cf. Starobinsky, op. cit. p. 173.
16 Freud S., « Remémoration, répétition, perlaboration », in La technique psychanalytique, 1975, Paris, P.U.F., p. 105-115.
17 Eissler K. R., Freud cité par Porge E., « Préface » in Freud sur le front des névroses de guerre, p. VII.
18 Freud S., « Rapport d’expert sur le traitement électrique des névrosés de guerre » (1920), in Résultats, idées, problèmes, t. 1, 1984, Paris, P.U.F, p. 253.
19 Strümpell A., Über die Untstersuchung, Beurteilung und Behandlung von Unfallkranken, in Münchener Medizinische Wochenschrift, 42, 1137-1140, 1165-1168.
20 Cf. Tausk V., « Contribution à la psychologie du déserteur » (1917), in Œuvres psychanalytiques, Paris, Payot, 1976, p.129 sq.
21 Ferenczi S. « Psychanalyse des névroses de guerre », Psychanalyse, t.III, Paris, Payot, 1974, p. 27-43.
22 Ferenczi S., « Deux types de névrose de guerre (hystérie), I), in Psychanalyse, t.II, Paris, Payot, 1970, p. 240-242.
23 Cf. Porge E., « Préface », op.cit., p. XV.
24 Abraham K., « Contribution à la psychanalyse des névroses de guerre », Œuvre Complète, t.II, Paris, Payot, 1966, p. 173-180.
25 Pfister O., « Über die verschidenartige Psychogenität der Kriesneurosen », IZP, n°5, 1918.
26 Ferenczi S., Œuvre Complète, t.III, op.cit. p. 37.
27 Texte commencé au printemps 1919.
28 Freud S., « Au-delà du principe du plaisir », in Essai de psychanalyse, 1968, Paris, Payot, Chap. II, p. 13.
29 Freud S., Résultats, idées, problèmes, t. I, op. cit., p. 247.
30 Lacan J., Le Séminaire livre XI, Les quatre concepts de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973.