Dominique ROUSSEAU
Soumis au déchaînement de la sensualité qui s’empare de son corps, l’adolescent se voit arraché au monde bien connu de son enfance, capitonné jusqu’alors par le discours établi de son entourage. Le voici précipité dans la tempête pulsionnelle, larguant les amarres des conventions et des convenances inscrites dans la langue publique, à la recherche d’un abri pour l’être nouveau qu’il se sent devenir, non sans douleur. Il cherche des mots qui puissent lui ménager une place encore inédite dans la société, lui qui n’est déjà plus un enfant, mais pas encore un adulte.
L’adolescence se déroule dans une précipitation continuelle et se marie souvent mal avec le temps pour parler à quelqu’un. Aussi est-ce une période de l’existence marquée par le risque : celui de croire que de l’Autre, on peut s’en passer. En ce sens, si le savoir de l’adulte fonctionne encore pour l’enfance, il mobilise moins l’adolescent, plus branché par sa propre jouissance, se laissant leurrer par les objets procurant sensations fortes et immédiates auxquels pousse le consumérisme d’aujourd’hui. Ainsi, l’école et ses savoirs participent moins qu’autrefois à la construction de leur identité : la plupart les rencontrent ou les assimilent mais d’autres décrochent et s’absentent physiquement et mentalement. La vie semble se jouer ailleurs ! Pris dans les identifications réciproques qui cimentent une « bande de potes », un(e) adolescent(e) peut facilement trébucher sur la route de son existence, route semée de malentendus et de signifiants qui lui viennent de son histoire agissant à son insu.
Rencontrer alors un praticien sensible à sa difficulté de vivre et au « droit de s’attarder dans certains stades, même fâcheux, de développement », peut constituer une chance pour l’aider à revenir à son désir : trouver sa façon de dire ce qui lui manque fondamentalement dans sa vie pour pouvoir s’inscrire dans le lien social selon un mode qui n’appartient qu’à lui.
Aussi, en dépit des dangers égrainés par les symptômes contemporains particulièrement présents à l’adolescence : addictions, troubles alimentaires, agressivité, inhibition, décrochage scolaire, etc, c’est aussi une période de l’existence où culmine une formidable « fureur de vivre », d’inventer, d’inscrire du nouveau : « l’éveil de leurs rêves ». A condition, pour chaque adolescent, de renoncer au circuit court de la pulsion et de consentir à la perte de jouissance nécessaire à l’entrée dans la communauté des échanges humains. Les invités témoigneront à partir de leur clinique, de ce parcours à la fois heurté et prometteur !!