Magalie SABOT
Proposer une table ronde qui réinterroge la question du corps lors de cette après-midi d’étude consacrée à création peut surprendre ! En effet, si l’on s’en tient aux descriptions des malades somatiques, elles mettent en avant chez ces patients un défaut de mentalisation, des difficultés de représentation allant de paire avec des carences de l’activité fantasmatique ou onirique, une pensée opératoire et des difficultés associatives, etc. Alors, peut-il y avoir de la créativité quand le symptôme vient toucher le corps ?
Le corps nous plonge-t-il dans le Réel ou au contraire peut-il être source de création et de transformation ?
J. Mc Dougall dans son « Théâtre du corps » (1989) s’intéresse à ce langage du corps. Elle nous rappelle que « la psychanalyse, dans le sillage de Freud, a privilégié le rôle du langage dans la structuration de la psyché et dans la cure psychanalytique. Mais il existe d’autres voies de communication que le langage. […], un patient peut, par exemple, déclencher une explosion somatique au lieu d’accoucher d’une pensée, d’un fantasme ou d’un rêve ». Et elle ajoute qu’il « n’y a pas de raison pour qu’un patient connu pour être vulnérable sur le plan psychosomatique et un thérapeute bienveillant et attentif au psychosoma ne puissent entreprendre ensemble le voyage psychanalytique ».
Comment être attentif au psychosoma ? De quelle manière faire advenir la parole à la place des symptômes somatiques ? Les médiations thérapeutiques seraient-t-elles la voie privilégiée pour amener une parole sur le corps en souffrance ?
Nous verrons tout à l’heure que certains patients se trouvent assaillis d’angoisses et de ressentis corporels surprenants : impression de ne pas habiter son corps, angoisse de chute sans fin, sentiment de se décomposer, de cohabiter avec un mort, perte de ressentis d’une partie du corps, sentiment de perdre l’équilibre ou de partir en morceaux, etc.
Comment entendre ces ressentis corporels si surprenants ?
Je vous propose de vous laisser surprendre par la richesse des mouvements fantasmatiques enracinés dans le corps et de vous laisser interpeller par la créativité dont font preuve les Cliniciens pour les faire émerger.
Car nous comprendrons à travers les vignettes cliniques qui seront présentées dans un instant, que l’écoute de tels fantasmes de décomposition du corps nous entraîne à être nous- mêmes plus créatifs dans notre écoute. En effet, sans se laisser piéger par l’approche diagnostique de ces terreurs singulières, il s’agit de pouvoir les entendre pour que puissent alors émerger de nouvelles compositions de l’image du corps dans le transfert, soutenu par la parole et le regard du Clinicien. La question du corps en souffrance est amenée en séance et la traversée des fantasmes qui l’habitent s’avère alors bien souvent déterminante pour le surgissement du travail de pensée. A travers des médiations thérapeutiques ou les images du rêve, les trois intervenantes que nous allons maintenant rencontrer sont à l’écoute de ce mouvement créateur qui transforme le rapport au corps, en réintroduisant le jeu, le désir dans la rencontre et le transfert avec le clinicien.
J. Mc Dougall, Théâtre du corps (p.31), 1989.