Magalie SABOT
INTRODUCTION :
Quand le corps est pris par la maladie, submergé par les images de mort, la réalité du soma, reste-t–il un espace de jeu, un espace de pensée pour le sujet malade ?
La place du psychologue à l’hôpital est une place bien particulière, il propose un temps d’écoute dans un moment de souffrance somatique, et il n’est pas rare que le patient lui mette sous les yeux ses cicatrices, son corps malade. Ecouter ne serait–il plus suffisant ?
L’exemple de l’accompagnement d’une patiente multi-cancéreuse me permettra de dégager trois notions importantes dans ce travail à l’hôpital : regarder, écouter, créer.
SILENCE ET SIDERATION : le cancer, une maladie silencieuse vue par des machines.
Mme C. (65 ans) arrive en centre de rééducation après une « banale chute » au cours de laquelle elle s’est fracturée deux vertèbres. Enveloppée dans son corset, elle réalise de nombreux examens médicaux. Une radio du dos dévoile une tache au niveau du ventre. Les médecins proposent, pour « y voir plus clair », de réaliser des examens complémentaires afin de mieux cerner cette fameuse tache. Mme C. sent bien que quelque chose ne va pas.
Le moment d’examen médical est traversé par Mme C. dans l’angoisse, les médecins regardent les clichés mais chaque fois, les messages qu’ils renvoient sont flous : elle ne comprend pas leurs mots, leur vocabulaire. On l’observe, on la scrute, mais on ne lui dit rien.
Il me semble là que le corps est d’une part soumis au regard tout puissant du médecin, mais d’autre part retiré de tout langage partageable. La maladie est découverte par des machines, vue par des machines, alors que l’individu, lui, ne ressent rien. Une absence de mots et de ressentis. Quelles angoisses peuvent bien venir résonner dans ce moment–là ?
Comme on ne lui dit rien, Mme C., dans un élan, appelle son médecin pour comprendre ce qui lui arrive exactement puisque personne ne veut lui parler clairement.
Le verdict est sans appel « je ne peux rien vous dire pour l’instant, votre dossier a été transféré en cancéro ». De services en services, de spécialistes à spécialistes, de dossiers à dossiers, d’images en images, Mme C. est dépossédée de son propre corps. Elle devient un numéro de dossier errant entre les mains d’experts anonymes.
Cette tache est un cancer. Le mot tue, ou plonge déjà fantasmatiquement dans la mort. Mme
C. reste sans voix, privée de pensées et de représentations.
Des examens plus approfondis sont réalisés, et Mme C. apprend qu’elle a un cancer métastasé des ovaires, sûrement déclenché depuis de nombreuses années. Stade 4. Ce corps jusque-là précieux allié silencieux est désormais dévoilé par l’imagerie médicale, photographie de l’intérieur : « Ils » voient.
Nous entendons là déjà toute l’importance du « voir », du regard, dans cette clinique du cancer. Voir le corps de l’intérieur, voir ce qui est invisible et non ressenti par le sujet
malade2. Déjà, le regard sur le corps explose de l’intérieur, les machines voient l’invisible, voient la mort. Quelque chose du corps va–t–il pouvoir être réinterrogé, trouver du sens ?
Nous étudierons la manière dont Mme C. viendra, avec toute sa créativité, reconstruire en images et en fantasmes un intérieur du corps vivant et désirant. Mais avant, arrivent les opérations et les chimiothérapies. Nouveau temps de sidération.
Une opération risquée, longue, par laquelle on va « presque tout [lui] retirer : ovaires, utérus, intestins ». 8h d’opération sont prévus dans l’espoir de retirer le plus de métastases.
« On va m’ouvrir comme avec une fermeture éclair et tout enlever… tout… on va m’ouvrir de la tête au pied, comme pour une autopsie ». Elle sait une chose : elle ne survivra pas à cette effraction. Le jour de l’opération, elle me laissera d’ailleurs une carte d’adieu que je ne devrai ouvrir que lorsque j’apprendrai son décès.
Mais comment, quand on abandonne ainsi son corps aux médecins, ne pas imaginer en mourir ? Comment se laisser ouvrir, laisser l’autre retirer toute sa féminité, sans frôler l’idée que de cette histoire on va quand même mourir un petit peu ? Laisser derrière une petite partie de soi ?
Pour Madame C., le chemin de soin se poursuit. Nouvelle perte de l’image du corps : la chimiothérapie.
Mme C. au début, suivra LE Protocole médical à la lettre, protocole qu’un médecin a cru bon de lui donner pour suivre l’évolution statistique d’une cure de chimiothérapie : J5 perte de cheveux, J7 nausées, J9 vertiges, etc… Mme C. le suivra avec soin et s’inquiètera des symptômes manquant ou arrivant trop tard.
En l’absence de ressentis, Mme C. tente–t-elle par là de s’approprier à nouveau quelque chose du corps ? Tente-t-elle de se préparer à la transformation de son corps ? Quoi qu’il en soit, les cheveux chuteront effectivement le Jour J…
Mme C. se croisait chaque matin, sans perruque dans la salle de bain. C’est avec horreur, chaque fois, qu’elle voyait son corps abîmé, nu, fragile. Mort. C’est un corps difforme, un autre visage que le sien, qui s’impose à elle dans le miroir. Elle ne se reconnaît plus.
Et puis, peu à peu, Mme C., commence à ressentir la fatigue. Une expérience étrange, où son corps vit, paraît, fait présence, mais son esprit déjà est ailleurs. Mort. « J’ai l’impression de ne plus appartenir à mon corps »… Quelle curieuse expression ! Il semble que quelque chose, déjà, ne tient plus en elle, que petit à petit s’installe une impossibilité d’habiter son corps.
ECOUTER un sujet en recherche de sens
Le psychologue à l’hôpital rencontre souvent le patient à ce moment, juste après l’annonce du diagnostic ou juste après l’opération. Le corps a été objet de l’autre, le corps est sujet du soin. Même le vocabulaire des thérapeutes en témoigne : « la nouvelle entrée, à la
122, c’est un genou. ». C’est un genou, c’est une épaule, c’est un dos… Le patient, c’est un morceau ? !
On finit par oublier le sujet caché derrière le patient. On finit par oublier que le patient parle, imagine, désire. C’est dans cette réalité que débute le travail : quand le patient commence à nouveau à s’éprouver, quand il ne laisse plus l’autre comme seul détenteur d’un savoir sur son corps, quand les affects émergent à nouveau. Très souvent on me demande d’aller vite voir un patient… Pourquoi ? Parce qu’il pleure… Quand l’émotion arrive à nouveau, quand le patient veut se raconter, le corps médical parfois se sent dépassé.
Alors on appelle la psychologue.
2 CF. Bibliographie : Remi POTIER, L‘image du corps à l’épreuve de l’imagerie médicale, L‘Esprit du temps, Champ psychosomatique, 2008/4
Dans les premières séances, Mme C. viendra déposer dans mon bureau son histoire, avec la nécessité impérieuse de me dire qui elle est. « Avant que tout s’effondre, avant que les traitements commencent, que mon corps se déforme, vous devez savoir qui je suis, qui j’ai été. Vous devez être très attentive, sinon moi, je finirai par oublier ».
Elle me déposa « tout son être » pendant de longues heures où je ne devais qu’écouter. Je devais retenir, me souvenir, comme si son histoire pouvait disparaitre à mesure que son corps se déformait. (« Tout dire » me parait résonner avec le « tout enlever » de l’opération) Et puisque c’est du corps que tout est parti, Mme C. commencera d’abord par parler de lui.
Mme C. recherche des moments où elle aurait raté des signaux de son corps : était-ce cette fois où elle avait eu si mal au ventre ? Mais rien… aucune piste, son corps s’est rempli « de mort » sans même qu’elle en soit informée. Elle n’a rien vu venir… Mon corps, cet inconnu. Mais ce qu’elle dit surtout, c’est que son corps, ce n’est pas seulement un corps « plein de cancer » ! Non ! Son corps, c’est aussi un corps dans l’enfance qui se déformait par les crises d’épilepsies, une maladie honteuse que sa mère cachait. Son corps, c’est aussi le corps d’une adolescente, gênée par l’arrivée de ses premières règles. Son corps c’est celui d’une femme enceinte dont l’enfant, une fille, sera violée par le père, sous son toit, sans qu’elle ne se doute de rien. Elle n’a rien vu…
Dans les séances, une histoire du corps va se réinventer, se raconter. « Pourquoi moi ? »
« Pourquoi maintenant ? », par la parole, la maladie va prendre sens et s’inscrire dans l’Histoire du Sujet. C’est souvent étonnant la manière dont les patients, très spontanément, me racontent leur maladie, avec leurs mots et leurs fantasmes : ils ont eu un AVC parce que… leur femme les a quittés, parce que leur femme est insupportable, parce qu’ils étaient stressés par le travail, parce qu’ils ont pensé de mauvaises choses, etc… Avec la psychologue, on ose raconter, inventer, poser les questions « bêtes », chuchoter les idées bizarres qui ont traversé la tête. Derrière un cancer, la maladie somatique, se cachent toujours des histoires à entendre, une vie imaginaire à écouter. Quand je rencontre les patients pour la première fois, et que je leur demande ce qui leur est arrivé, très peu me parlent en premier de la maladie, souvent le récit commence avant : au moment du divorce, du décès du père, de l’avortement, etc.
Il semble que l’essentiel de leur histoire n’avait pas été jusque-là entendue et que les vraies questions n’avaient pas pu se poser.
Mais le psychologue à l’hôpital entend aussi ce qui ne peut se dire, quand le patient ne parle pas, ne parle plus (aphasies), le psychologue va raconter à sa place son histoire, rappeler sa dignité, sa pudeur, sa tristesse, etc… Le psychologue rappelle le sujet là où il n’y a plus que du corps. Le psychologue prête sa voix pour remettre de l’humain.
REGARDER : Le regard du psychologue et l’exhibition d’un corps « monstrueux »
regard.
Dans ces cliniques, le psychologue, qu’il le veuille ou non, va aussi écouter à travers le
Mme C. restera longtemps à me parler de cette IRM qui a tout révélé, j’aurais même le droit de « voir » les clichés qu’elle prendra soin de m’apporter… Le psychologue à l’hôpital est parfois amené par ses patients à jouer un rôle bien particulier ! Me sachant tout à fait incompétente à interpréter l’imagerie médicale, quel regard attendait–elle donc de moi ? Quelle image devais–je voir dans ces clichés ? De quel corps me parle-t–elle ?
Et puis, un jour, en séance, elle me demandera : « vous voulez voir ? » Voir quoi ?
Je n’ai pas eu le temps de poser la question que son corps sans cheveux et sa « fermeture éclair » encore en cicatrisation étaient sous mon regard. Son corps mortifié, vais–je m’effondrer si je le vois ?
Je ne le voulais pas, mais j’ai vu quand–même, car en un mouvement brusque, elle retira sa perruque. Laissant sous mes yeux un visage totalement différent de celui que je connaissais. Je suis sidérée, mon regard se fige dans une absence totale de mots pour exprimer ce que je ne ressens même pas.
Mais que dire face à l’horreur du corps qui s’échappe ?
Je vois la maladie, la mort. J’ai cru apercevoir à cet instant ma patiente outre tombe. (Cela n’est pas sans rappeler la carte – voix outre tombe – qu’elle me laisse en cas de décès).
Elle rejouera un jour cette scène lors d’une séance de rééducation où je serais appelée en urgence : Mme C. ferait « une crise » en pleine séance de rééducation, au milieu de patients sidérés et surpris par une mise en scène plutôt singulière. La patiente hurle qu’elle « veut me voir ». Comme si les mots ne suffisaient plus. Il y a urgence à voir quelque chose ? Quoi ?
De quel type d’exhibition du corps s’agit–il ici ? A quel type de regard fait-elle appel ? Quoi qu’il en soit, Mme C. traverse un moment où il faut voir. Absolument. A la fois la regarder mettre en scène l’horreur du corps qui échappe, mais aussi continuer à la regarder au–dedans. Un mal de tête soudain pourrait–il venir cacher une tumeur au cerveau ? Un mal de ventre signerait–il une récidive ? Le corps était devenu un ennemi potentiel à surveiller de près. Elle veut savoir et demande souvent, dans l’angoisse, de nouveaux examens médicaux.
Mais le Professeur après interprétation des images médicales, ne verra là qu’une forme de
« somatisation hystérique». Il ne voit rien…
N’y a–t–il plus rien à voir ?
D’abord des machines qui voient l’intérieur, puis un appel au regard du psychologue. C’est peut-être le moment de trouver d’autres images que l’IRM pour parler et rêver le corps. Je propose de débuter un travail de photocollage.
CREER : Médiations thérapeutiques et réappropriation du corps en images
Après avoir écouté, regardé, un temps de jeu et de créativité peut s’ouvrir. Un espace où le sujet pourra s’éprouver. L’hôpital, la maladie peuvent-ils laisser ouvert la créativité ? Peut-on « prendre plaisir » à l’hôpital ?
Ouvrir un espace de jeu, un espace « de respiration » selon l’expression de la patiente, me
paraît fondamental dans ces cliniques prises par l’urgence du corps, du soin, du regard ou du traumatisme. Il me semble essentiel que le psychologue puisse accompagner, autoriser ce mouvement créateur toujours vivant, par lequel le sujet s’éprouve, se construit et dépose en images et en mots son histoire. Avec les médiations thérapeutiques, je propose en séance de venir expérimenter à nouveau le jeu et j’accompagne le patient dans son mouvement créatif. Mais ces séances de photocollage individuel n’arrivent pas par hasard dans la thérapie. Pour cette patiente, la proposition est venue au moment où la parole a été submergée par les images de la mort, à un moment où il n’y avait plus de créativité, plus de possibilité de se rêver tant le corps était plongé dans sa plus crue réalité, dans sa propre destruction. Le photocollage a commencé le jour où Mme C. a littéralement « perdu la voix » à la suite d’une réaction allergique aux traitements de chimiothérapie…
Le matériel du Photocollage
Concrètement dans une séance de photocollage, je propose un thème au patient (ex : « Bien dans ma peau »). Il a, à sa disposition, des magasines illustrés dans lesquels il cherche des photos « qui lui parlent ». Il peut en découper tant qu’il veut. Puis sur une feuille-support blanche, le patient compose et construit son collage à partir des morceaux découpés préalablement.
Les séances de photocollage se terminent quand le patient se sent satisfait de son travail, alors nous prenons le temps pour en parler.
Trois temps donc sont importants : trouver des photographies qui « parlent », découper, puis reconstruire.
J’accompagne le patient tout au long de la construction de son collage, l’aide à verbaliser, reste attentive aux questionnements, aux incertitudes, aux rêveries, aux gestes manqués, aux oublis, aux associations, etc…
Les séances de photocollages sont souvent riches, tant dans les mots que dans les gestes ou les mises en scène. Je suis souvent conviée par mes patients à participer, à jouer avec eux, à créer avec eux, parfois de manière tout à fait inattendue. Ces séances sont vraiment un jeu de co- création, l’implication doit être réelle.
Je ne pourrai malheureusement pas vous faire part de toute la richesse de ces séances en détails, mais on peut dire que le travail de création a rouvert le travail associatif, le plaisir de penser, de jouer avec les
images ; il a autorisé des secrets à se révéler, permis de parler des désirs et de s’aventurer dans la question du plaisir et du devenir femme.
1ère séance : « Bien dans ma peau »
Rêvassant devant son collage, Mme C. se demande alors:
« Mais comment se construire un corps quand la peau est trop collée, insensible, ou que les ciseaux peuvent l’ouvrir comme une fermeture éclair ? »
Extrait de la 1ère séance :
Il se met en scène quelque chose qui n’aurait jamais pu aussi bien se dire avec des mots dans le cadre d’une hospitalisation. D’une mère trop collante à une poignée de main trop collée, d’un corps trop observé à une œuvre belle à regarder, Mme C. s’invente, se créer, morceau par morceau, image après image, un corps où il est bon de vivre, vivante et séparée. Elle me regarde la regarder créer, et parallèlement, Mme C. met de moins en moins son corps réel en scène.
Extrait de la 2ème séance :
Cette deuxième séance commence par une impossibilité : par quoi commencer ce collage ? La feuille reste blanche longtemps, mais je l’accompagne dans ce questionnement fondamental : sur quoi reposer pour exister ? Ce collage autour de l’origine, ne questionnera pas seulement l’origine du cancer, mais bien plutôt son origine, à elle. Ce « quelque chose » dans le ventre, n’est pas simplement le cancer, mais aussi le fœtus qui prend petit à petit corps avant de naître. Quel était le désir de sa mère, de son père ? Qui étaient–ils vraiment ?
Extrait de la 3ème séance :
A travers ce collage, Mme C. viendra interroger toute la question du désir et du plaisir. Elle trouvera les photographies dans un article intitulé « sommes–nous toutes des femmes fontaines ? » ; en découpant les images, elle me lit l’article, s’offusque, ironise. Mais une question se pose « moi aussi, ai–je le droit d’avoir du plaisir dans mon corps malade ? » Ce collage témoigne d’un désir de réinvestir une vie sexuelle et érotique.
Un jour, alors que je présentais au public ce travail, on me fera cette réflexion que, de loin, ce collage ressemble étrangement à une radiographie de bassin… Quoi qu’il en soit, c’est à partir de ce moment que Mme C. n’aura plus besoin d’imageries médicale pour détenir un savoir intime sur son corps.
Extrait de la 4ème séance :
Contre toute attente, Mme C. est en rémission et nous prenons le temps de terminer ce travail. Nous prenons le temps de nous séparer. « Avec ces collages, j’ai une meilleure connaissance de moi–même avec plusieurs niveaux, une nouvelle conscience de mon corps. Je respire. Je me sens plus femme, alors que je n’ai plus de cheveux, plus d’ovaires, plus d’utérus. Je me sens femme parce que je vis bien dans mon corps. Je me connais mieux. Je me ressens ! » Madame C.
Mme C. témoigne tout au long des séances que malgré le corps malade, traversé par
l’informe, il est possible de vivre créativement et réinvestir un corps désirant. Mme C. est très émue de voir toute la profondeur de ses collages, leur beauté et leur richesse, de se sentir « si vivante et profonde ».
« Par le collage j’exprime mieux les choses profondes, il y a tant de couches et d’épaisseurs. Ça parle pour de vrai ».
De l’IRM qui voit tout de l’intérieur du corps, Mme C. petit à petit se construit un intérieur du corps riche de sens. Elle laisse de côté les IRM et les résultats d’analyse pour parler de son corps et de son ressenti en images. A travers les séances de photocollages, le corps commence à prendre du volume, il s’investit à nouveau à travers la pulsion et l’imaginaire, cerné par le plaisir et le désir.
Regardant avant de partir ce dernier collage, elle s’écrira soudainement : « Mais ! Cette chose qui se dessine… c’est un homme ! »
CONCLUSION :
Pour Mme C., l’hospitalisation se terminera sur cette séance de photocollage, parce que les médecins ont compris l’enjeu d’un temps de séparation psychique.
Mais bien souvent à l’hôpital, le temps est celui du corps. Quand la prise en charge somatique se termine, l’hospitalisation alors prend fin et le travail psychothérapeutique entrepris s’arrête ainsi. La rencontre avec le psychologue est soumise aux aléas du temps de prise en charge, des transferts, ou du décès.
La rencontre en centre de rééducation est souvent une rencontre brève (3 mois – rencontre proposée, peu souvent demandée par le patient lui–même), un temps à part dans la vie d’un sujet qui arrive, au départ, pour soigner son corps malade. Je pourrais rapidement conclure pour cette patiente, la maladie somatique est venue réactiver des questionnements inscrits dans le corps et en attente de symbolisation. C’est toute la question du féminin, du désir, du devenir femme pour un homme qui s’est à nouveau posée et construite.
La patiente a pu se saisir de cette invitation à la créativité pour venir repenser son histoire. Le corps n’était plus simplement le cancer, mais il a pu retrouver sa dimension désirante et symbolique. De la maladie somatique, Mme C. a pu s’ouvrir à elle-même par le travail de création.
Et puisque nous nous intéressons à la création et au corps, je vous invite à voir l’exposition d’Helmut Newton au grand Palais jusqu’au 17 juin. Je termine sur cette œuvre, « Rayon X », qui laisse méditer la question de l’érotisation d’un corps malade.
Je vous remercie pour votre écoute !