Karine ERBIBOU
En premier lieu et au nom de l’APCOF, je tiens à remercier l’ensemble des intervenants et des animateurs des tables rondes, qui nous ont permis d’avoir à la fois une vision précise de leurs pratiques grâce à des cas cliniques pertinents, et également de nous ouvrir sur des pratiques «novatrices » adoptées avec la prudence nécessaire à la production d’un inédit.
Les exposés ont été riches de contenus : aussi je vais tâcher d’être concise et de m’élever à la hauteur de mes prédécesseurs.
Ces témoignages, ces productions ont eu pour effet de traduire la clinique du quotidien des praticiens. Une clinique qui s’élabore selon deux versants : Mise en corps, Mise en Mots.
Au final la question de traduire et de créer réactualise autant qu’elle m’inspire de parler de la question de la répétition. Répéter ou créer ?
La question de faire du semblable se pose et pointe alors l’acte du clinicien dans la rencontre avec l’Autre, d’y injecter du sens et d’être support de mouvements d’élaboration qui, du trajet de la matière vers le Psychique, prennent vie. Que quelque chose bouge à l’intérieur entre guillemets « du sujet » qui, quelque part, trouve une résonnance, un réceptacle de sa production qui supporte et l’engage encore, l’encourage, soutient cela.
L’idée de cette conclusion est de parler de la Logique de cette journée.
Et, tout d’abord, pourquoi ce titre ? Le Psychologue Cré-acteur.
De la mise en corps (Ressenti/ Emotions…) à la mise en mots (Idées, Raisons…) pour un But qui sert une stratégie et une tactique thérapeutique par la voie de l’interprétation en discours que met le thérapeute au coeur de la relation transférentielle.
Le passage de la matérialité, des objets, de la matière,… vers le matériau Psychique, propre à chacun, les mots, le langage, la pensée et les pensées, les pulsions et les fantasmes sous-jacents aux pensées…. (Mettre en corps… et Encore….à Mettre en Mots… En Maux…), ce passage illustre une élaboration psychique dont le Psychologue se fait porteur en même temps que Co-créateur. Il s’y investit quelque part, s’y prête, le nourrit en co-créateur par la fonction subjective teintée d’un savoir qu’il injecte. Il donne sens et se fait supporter de fonctions de pensées parfois à l’arrêt ou encore qui s’enflamment. Ainsi doit-t-on voir son rôle de cré-acteur tant sur le versant de co-productions qui produisent que de celles du versant de l’apaisement et de celles qui réduisent.
L’importance de la rencontre qui est au coeur de la pratique clinique du Psychologue et la question des médiateurs qui servent de support à une pensée défaillante ou encore absente, sont la trame de cette journée. Ces médiateurs sont des supports d’élaboration, auxquelles les orientations et les interprétations du thérapeute donneront du sens. Charge à lui de S’Y COLLER tout autant que d’en être, au final, suffisamment distant, aux fins de produire un sens, si ce n’est nouveau, en tout cas à chaque fois unique.
Je veux également conclure cette journée en ouvrant encore le débat sur la question du lien : Lien entre le Thérapeute et son patient, lien à l’intérieur du Thérapeute, et aussi liens ou embrouilles au coeur du malaise du patient qui le conduisent alors à nous rencontrer. Je veux parler au final des liens de pensée, des liens de nature émotionnelle, voire des liens Pensées/Emotions que le thérapeute produit à l’intérieur de lui, support de son élaboration et de la mise en Acte qu’il va produire.
L’importance est donc de nouer un Lien, d’établir une relation transférentielle qui pourra se répéter en même temps qu’être unique à chaque fois et produira par elle-même la possibilité de la répétition et une voie de sortie et donc de résolution d’un symptôme.
Finalement, les supports externes tels que ceux dont nos intervenants d’aujourd’hui nous en on fait la description et le témoignage de leurs expériences, sont les médiums portant le transfert difficilement possible autrement dans ces situations cliniques.
Ces supports sont autant de zones de contacts palpables et matérielles, propices à une élaboration symbolique par la voie de création d’objet (fruit de l’imagination) ouvrant la voie du Sujet. Ils sont une modalité de figuration des mouvements intérieurs du Sujet qui devient acteur voir producteur de la voie qui est la sienne.
La Neutralité Bienveillante dont parlait Freud n’efface pas la réalité de la subjectivité du Thérapeute. Dans la relation au patient, elle doit pouvoir s’injecter alors comme agent modérateur de l’inflammation du patient, de l’incandescence intérieure qui le fait disparaître à l’intérieur de lui-même. Il n’est plus sujet à l’intérieur de lui-même. Son intériorité est assiégée au point qu’il s’en trouve délogé par cet autre qui devient Hostile, agressif ou encore menaçant.
La question, au fond, est de donner vie à l’angoisse. Sous-tendue de destruction, voir d’annihilation, elle devient le complément indissociable de la pulsion de vie. Donner vie à l’angoisse c’est permettre le rééquilibrage de deux forces pulsionnelles opposées et de permettre au Sujet d’advenir ce qu’il est.
Pour le clinicien, conduire une cure analytique revient à être ouvert et suffisamment distant du patient pour lui permettre d’injecter du sens à son discours et lui permettre de devenir Sujet de lui-même.
Comment, quelque part, se décline le travail créatif du Psychologue, comment est-t-il actif là-dedans ?
Pour Moi c’est L’acte de Parole et d’interprétation que formule le clinicien sur les supports concrets réalisés par les patients qui caractérise l’action créatrice du Psychologue. D’où l’importance du Savoir, mais pas que, l’importance de l’expérience de Vie, l’importance de la pensée et surtout l’importance de son investissement. J’irai presque jusqu’à dire de son engagement authentique à ÊTRE dans la relation à l’autre (Tête, Coeur, Corps…). Présent, disponible et à l’écoute, tous les sens en éveil.
Pour le clinicien, il reste deux écueils majeurs : La question de sa posture et des Butées thérapeutiques qu’il essuie par rapport aux Actes qu’il produit, et la question de sa propre vision de lui-même et des écueils rencontrés, qui sont liées aux « tâches aveugles » qu’il a sur son fonctionnement (d’où l’importance aussi du travail sur soi, de la supervision, etc.).
Il s’agit de produire du Nouveau marqué par le style unique particulier de chacun. En somme, quelque part relier à nouveau ces humains au Monde des semblables dont ils se trouvent détournés.
Mais avant il s’agit d’être co-producteur en saisissant un interstice pour injecter du sens, vecteur d’un mieux être et porteur, peut-être, d’une certaine réalisation de soi.
Pour cela, étoffons le Propos… Ouvrons, créons encore et encore….
Au final de quoi parlons-nous ?
Il me semble justement que, paradoxalement, nous parlons de travailler à créer du Jeu et des Je(s) pour au final penser dans ses interstices subjectifs et non coller encore à un réel impalpable qui ne serait que reproduire. Alors oui à la répétition, mais dans un semblant de réel qui permet à l’Etre de créer son étoffe et d’oser vivre, de prendre le risque d’être entre pulsion de vie et de Mort.
Au final d’atteindre son équilibre propre.
Merci.