Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

74e Soirée d’échanges cliniques APCOF, Les addictions, “Utiliser le craving, l’état de manque, comme levier thérapeutique”, mardi 28 Janvier 2025, 20h30

Date / Heure :
28/01/2025
20 h 30 min - 22 h 30 min

Catégories :

Mots-Clefs :
addictions, jouissance, levier thérapeutique, manque, parole, pulsion, répétition


Prix: gratuit


Ce qui caractérise notre époque est une certaine pousse à l’addiction généralisée qui recouvre une extension très large, effet de la place de la technique et la science dans notre quotidien. L’addiction décrit ainsi avant tout des comportements, à différencier des pratiques liées à la prise des produits toxiques. Ainsi le sujet addict est le client parfait du discours contemporain qui réduit son désir à l’avidité d’une pulsion vorace,
sous l’emprise d’un objet, devenu non plus simplement possible mais nécessaire et sous l’emprise d’un objet, devenu non plus simplement possible mais nécessaire et obligé. Cette pousse à la consommation sert à créer une identité en toc, glamour, revendiquant un « je suis un addict » ou se mêlent allègrement dépendance, maladie, passion. On est ainsi addict au web, au smartphone, aux images, au numérique, aux réseaux sociaux, etc.

A l’inverse de cette vision globale et donc de la prolifération de la « pluie d’objets addictifs » dévorants, jetables, nous nous restreindrons au terme de toxicomanie pour évoquer la dépendance et recherche active de substances dont l’effet produit certes des addictions mais désignant à la base des « poisons », à la différence d’addiction de quelqu’un qui serait dépendant au sport ou au jeu vidéo par exemple.

On désignera toxique, cette tunique de Nessus qu’est l’alcool, la drogue, mais également des substances qui délimitent et désacralisent le territoire habité par le corps, les relations humaines, la sexualité et qui laissent le sujet en proie à la pulsion destructrice, où le sujet force son consentement, et se laisse emporter par une jouissance qui va jusqu’à l’asphyxier et consommer son corps.

Cette restriction au toxique ne fait pas l’impasse du statut contemporain des rapports qu’entretient le sujet à l’Autre et qui se caractérise par le triomphe de l’immédiateté et l’omniprésence de l’objet jetable et de l’autre la difficile capacité à supporter l’attente, la solitude, la séparation. Comment traiter alors d’une part, la demande, fondée en principe dans le fait de croire à l’Autre de la parole, alors que justement pour une clinique de l’objet de jouissance, « faire appel » à la demande, ne va pas de soi, pas toujours simple pour le sujet toxicomane. Cliniquement, on constate, d’autre part, quand un sujet fait enfin appel à une institution spécialisée, c’est seulement possible après une longue période où il est resté avec son toxique sans le symptomatiser. Le réveil ou le déclic d’une préoccupation, de l’angoisse ou de souci, se fait quand le sujet se sent confronté à l’imminence de la perte, ou lorsque l’atteinte narcissique le vise ou lorsqu’il ressent la honte, etc.

L’addiction toxicomane n’est pas en soi un symptôme freudien, au sens de la formation de l’inconscient comme l’obsession ou l’hystérie, une formation substitutive de caractère sexuel marqué par la castration. C’est ainsi une jouissance qui ne pousse pas à s’en plaindre mais qui met aux prises le sujet avec l’instance qui dit « tu ne dois pas jouir ! » forçant le sujet à se soumettre à cet impératif. La clinique nous met à l’épreuve de cette oscillation où le sujet reste pris entre l’impératif de consommer et l’impératif de s’abstenir qui traduit le plus souvent la recherche angoissante d’une limite au pulsionnel. Ce qui fait dire que c’est une gageure d’imaginer troquer mécaniquement l’addiction contre la parole, des signifiants à la place des effets immédiats dans le corps, la balance est déséquilibrée. Mais alors ne pourrait-on pas concevoir de contrer la passion (pâtir) d’addiction par une passion (active), celle de la parole ?

La voie étant étroite est quand même tracée et consisterait à mettre l’épreuve l’oscillation entre l’impératif de consommer, la recherche d’une jouissance découplée, le craving qui, dans son aliénante répétition du manque, passion pour l’objet, besoin irrépressible de consommation ou  recherche compulsive, met le sujet en danger et l’ineffable qui doit faire part à l’indicible et puis au dire qui fait entendre l’urgence d’une limite pour ne plus consommer ou boire, parler comme antidote pour s’abstenir !

Une fois le mouvement thérapeutique lancé, dans ce craving qui se répète, le « sujet » dépris de sa position peut avoir la possibilité d’entendre ce « je » qui se noie, s’efface, dans sa « rechute », la dimension de la jouissance peut alors laisser une place au sens, « au je qui advient » à la passion de la parole, afin de créer une limite qui tienne afin de rompre avec l’économie basée sur la jouissance, et pourquoi pas,  faire de sa drogue un symptôme, tenter de le déchiffrer et donner une place au désir, l’occasion d’une séparation définitive avec l’objet de jouissance.

Invités : Pierre GAUDRIAULT, psychologue, psychothérapeute, CSAPA de l’ANPA 75, Elodie MARCHIN, psychologue, psychothérapeute, CSAPA de l’ANPA 75 ; Laure WESTPHAL, psychologue, GHU-Paris, psychanalyste, enseignante à l’université Paris 7

Soirée animée : Dario MORALES, psychologue GHU-Paris (75), psychanalyste membre ECF (78)